Comment la fake news de Vincent Flibustier sur CrowdStrike est devenue virale ?

Comment la fake news de Vincent Flibustier sur CrowdStrike est devenue virale ?

Le 19 juillet 2024, une mise à jour défectueuse du logiciel de sécurité de CrowdStrike a provoqué le crash de 8,5 millions d’ordinateurs sous Windows. Cela a entraîné la plus grande panne informatique de l’histoire. Cette coupure a touché divers secteurs à l’échelle mondiale, perturbant surtout les compagnies aériennes, les banques, les hôpitaux et les services gouvernementaux. Le préjudice financier est estimé à au moins 10 milliards de dollars.

D’après Cirium, qui se présente comme « la source la plus fiable au monde en matière d’analyse aéronautique », 5 078 vols, soit 4,6 % des vols programmés ce jour-là, ont été annulés à l’échelle mondiale.

 

Mais c’était quoi le bug en fait ?

Rapidement, sans rentrer dans les détails trop techniques, la mise à jour de CrowdStrike a entraîné l’entrée des ordinateurs dans une boucle de redémarrage. L’erreur a été identifiée en quelques heures et un correctif a été déployé, mais celui-ci est assez complexe à réaliser pour une personne dont ce n’est pas le métier.

Un utilisateur Windows subissant le problème CrowdStrike

Un sentiment de panique généralisé

Tout cela a engendré un climat de panique en ligne, avec des entreprises et des employés incapables d’accéder à leurs outils de travail. A titre de comparaison en seulement 24 heures, on a compté 2,3 millions de conversations, soit un peu moins que le nombre de discussions qu’il y a eu en une semaine autour des JO de Paris 2024, qui s’élève à 2,8 millions.

Mentions CrowdStrike & Paris 2024

Dans ce contexte, Vincent Flibustier tweete une fake news ajoutant au chaos

L’absence de communication claire a exacerbé les tensions, ajoutant à la confusion générale et à la sensation de chaos numérique. Et c’est sur cette situation que Vincent Flibustier, formateur en citoyenneté numérique et spécialiste en « fake news », a réussi à surfer. Avec son photo montage, il a fait croire que c’était son premier jour chez CrowdStrike et qu’il venait de faire une mise à jour avant de prendre son après-midi.

Sur X, les internautes ont spéculé sur les causes de ce bug

Dans ce climat de panique totale, mêlant manque d’information, tension et blague, sa fake news s’est propagée rapidement sur X, notamment auprès des internautes peu suivis / non influenceurs. Seuls deux comptes avec plus d’abonnés qui lui (300K et 200K) ont relayé son post, ce qui ne peut justifier à lui seul l’ampleur de l’écho en ligne.

Lui-même donne plusieurs raisons expliquant pourquoi cela a fonctionné :

  1. Aucun coupable n’a encore été désigné.
  2. Le coupable apparent est perçu comme « idiot ».
  3. Les gens ont besoin d’informations inédites.
  4. La fake news est écrite en anglais pour une plus large diffusion, et surtout c’est une communauté qui ne sait pas qui il est.
  5. Détournement de l’attention avec les doigts de nain, ce qui fait qu’on se concentre moins sur le mauvais déroutage.
  6. Le biais de confirmation : « L’information me plaît, elle est donc vraie ».
  7. La fake news est poussée par une communauté qui sait que c’est une blague.

Et c’est certainement le fait d’avoir communiqué en anglais qui a contribué à faire de cette publication un véritable buzz. En effet, les mentions émises depuis les États-Unis représentent plus de la moitié des conversations sur le sujet, suivis par les mentions émises depuis la Turquie et le Japon.

Part des mentions sur CrowdStrike
Part des mentions sur la publciation de Vincent Flibustier

On retrouve une audience similaire chez les internautes ayant relayé le tweet de Vincent Flibustier par citations ou retweet. Près de la moitié proviennent des États-Unis, suivis du Japon, puis de la France, sa communauté.

Quid de la réaction de CrowdStrike ?

À la suite de cet évènement, l’entreprise a cherché à être la plus transparente possible sur ce qui est arrivé en publiant un long rapport détaillant ce qui a mal tourné et pourquoi. Elle s’est engagée à améliorer ses méthodes de test pour éviter de futures erreurs et offre. Ce rapport est mis en avant en haut de leur site, accompagné d’un message d’excuse du CEO de CrowdStrike, George Kurtz.

En revanche, il n’est pas certain qu’il ait été judicieux de mettre en avant les bons d’achat de 10 dollars de crédits Uber Eats offerts aux employés pour le « travail supplémentaire » fourni pour aider les clients de CrowdStrike. D’autant plus que certains de ces bons d’achat étaient invalides…

La gestion de crise de CrowdStrike souligne l’importance de la réactivité en ligne. C’est ainsi que chez Digital Insighters nous décryptons les événements marquants, en remontant les origines de l’événement en ligne pour mieux en comprendre les mécaniques, afin de pouvoir réagir en adéquation.

Le clic fatidique : Quand les internautes questionnent le pouvoir pris par les influenceurs

Le clic fatidique : Quand les internautes questionnent le pouvoir pris par les influenceurs

Comment, à partir d’une reprise de musique sur TikTok, une révolte s’est-elle créée ? En quoi, par le seul pouvoir d’une vidéo, un boycott massif s’est-il lancé ? Nous allons décortiquer cette situation ensemble afin de mieux comprendre comment un mouvement anti-célébrités / anti-influenceurs est né et comment les audiences peuvent reprendre le pouvoir en se mobilisant. 

Le commencement du #blockcelebrities

Le 6 mai dernier s’est tenu le Met Gala, un événement prestigieux du monde de la mode. Toutefois, cette année, la cérémonie a engendré de nombreuses polémiques. En effet, des critiques ont visé la vie « décadente et excentrique » des célébrités, en contraste avec le contexte conflictuel actuel dans plusieurs régions du monde. Cependant, ce qui a vraiment enflammé les réseaux sociaux fut une vidéo TikTok de Haley Kalil, créatrice de contenu mode et lifestyle ,connue sous le pseudonyme de Haley Baylee. Dans cette vidéo, prise à l’avant-première du Met Gala, elle porte une robe très excentrique et reprend une musique avec la phrase « Let them eat cake », attribuée à tort à Marie-Antoinette.

Cette vidéo suscite de nombreux questionnements sur le rôle croissant des célébrités et des influenceurs sur nos vies. En effet, la célébrité et l’influence ne sont possibles que par la présence et l’engagement de ses fans et de ses audiences. Que seraient ces influenceurs sans notre participation active ?

La mise en place de la "Digitine"

Suite à cette vidéo de Haley Kalil, plusieurs personnes se sont indignées et ont appelé au boycott. Parmi ces voix, la créatrice de contenu « Lady From the Outside » a publié une vidéo sur TikTok : elle y dénonce l’ignorance et le mépris des célébrités / influenceurs face au conflit israélo-palestinien. Elle leur reproche de ne pas utiliser leur notoriété pour parler des situations critiques à Gaza ou à Rafah. Pourtant, ils accumulent des millions de vues et gagnent de l’argent grâce à leurs abonnés. Dans sa vidéo, Lady From the Outside appelle alors à une « Guillotine Digitale » ou « Digitine ». Elle vise à bloquer les influenceurs qui n’ont pas pris position sur le conflit israélo-palestinien. En le faisant, les abonnés privent ces créateurs de la monétisation de leurs réseaux sociaux.

Dans ce mouvement de révolte, un internaute lance un compte TikTok « Blockout2024 » et avec, le mouvement du même nom. Ce dernier consiste à bloquer les célébrités qui n’utilisent pas leur visibilité pour des causes justes. Il publie quotidiennement des listes de célébrités à bloquer. Plusieurs célébrités très connues ont été ciblés, notamment Kim Kardashian, Selena Gomez et Dwayne « The Rock » Johnson.

En France, le mouvement n’est pas en reste. Sur Instagram, un compte nommé « Blockout2024_France » publie des listes de personnalités publiques à boycotter. Des stars, YouTubeurs, personnalités de télé-réalité et même des footballeurs français sont visés pour leur silence sur la situation à Gaza ou pour leurs collaborations commerciales avec des marques soutenant Israël. Par exemple, le YouTubeur Mister V a été vivement critiqué pour sa collaboration avec KFC.

Publications TikTok avec le #Blockout2024

Audience et relayage du blockout par les réseaux sociaux et la tranmission d'informations par internet haine suite au tiktok let them eat cake

La puissance de l’audience

Cette escalade soulève une question : comment une simple reprise d’une réplique d’un film de 2008 a-t-elle pu déclencher une telle chasse aux sorcières numérique ? La musique utilisée dans le TikTok, « Let’s them eat cake » était déjà populaire et souvent reprise sur la plateforme : plus de 118.7K vidéos issues de cette musique ont été publiées. Mais la reprise de Haley Kalil a rappelé aux internautes le film « Hunger Games »: sous les vidéos du Met Gala, de nombreux internautes ont commenté « from District 12 » soulignant ainsi le fossé entre le statut social des célébrités et celui du reste du monde.

Le mouvement a également pris de l’ampleur grâce à d’autres créateurs de contenu sur les réseaux sociaux. D’après Brooke Erin Duffy, professeur de communication à l’Université Cornell, un mouvement comme « Blockout2024 » montre à quel point de nombreux internautes peuvent travailler ensemble pour influencer la visibilité d’une personnalité publique. « Même si les boycotts menés par les consommateurs ne sont en aucun cas sans précédent, cette dernière itération met en valeur le pouvoir des internautes de redistribuer, voire d’utiliser comme arme, les systèmes des plateformes » dit-elle.

Des tensions croissantes entre les célébrités et les audiences, illustrant le pouvoir pris par les internautes

La controverse autour de la vidéo de Haley Kalil et le mouvement « Blockout2024 » révèlent des tensions croissantes entre le monde des célébrités et la réalité vécue par le grand public. Cet événement montre à quel point les actions et les paroles des influenceurs peuvent provoquer des réactions massives et des mouvements de boycott en ligne. Il souligne également la question de la responsabilité des célébrités et des influenceurs à utiliser leur plateforme pour aborder ou non des questions sociales et politiques importantes. Même le silence est perçu comme une action.

Enfin, cette situation illustre le pouvoir de mobilisation des utilisateurs des réseaux sociaux. Leurs engagements et désengagements peuvent redéfinir les dynamiques de visibilité et d’influence. Le pouvoir des clics et des likes, loin d’être anodin, joue un rôle crucial. Il met en lumière ou marginalise des voix et des causes diverses, définissant ainsi les contours de la célébrité à l’ère numérique.

Dans un tel contexte, la place des marques aux côtés des influenceurs star, visés par un tel boycott pour manque de prise de position sur des causes nobles, soulève des questions.

Quelles problématiques cela pose pour les partenariats de marque ?

Chez Digital Insighters, nous accompagnons nos clients dans la construction de leur stratégie d’influence, et sommes convaincus qu’elle doit être en ligne à la fois avec vos missions et valeurs de marque, et doit adresser la bonne cible.

  • Cela passe d’abord par la compréhension des parties prenantes et celles parfois de situation sensible comme pour le cas Bella Hadid et Dior ou ici avec le Blockout.
  • Les influenceurs doivent avoir des prises de position cohérentes avec vos valeurs de marque, et une ligne éditoriale qui reflète cela : nous évaluons les contenus qu’il publie et investiguons ses prises de position politiques, écologiques, caritatives… grâce à un Audit ESG (Environmental/Social/Governance).
  • S’adresser à l’audience que vous recherchez à travers les créateurs de contenu : nous pouvons identifier les créateurs de contenu pertinents, suivis par vos audiences cibles grâce à l’Audience Intelligence.
Quand tout bascule : étude du cas Balenciaga sur la gestion de crise en ligne

Quand tout bascule : étude du cas Balenciaga sur la gestion de crise en ligne

Dans l’ère digitale actuelle, la réputation en ligne d’une marque peut être son atout le plus précieux ou sa vulnérabilité la plus exposée. La rapidité avec laquelle l’information circule sur les réseaux sociaux signifie que chaque entreprise est susceptible de faire face à une crise de réputation en ligne sans pouvoir faire preuve de réactivité suffisante. Dans cet article, nous ferons l’autopsie d’une crise réputationnelle d’envergure qui a marqué au fer rouge la marque Balenciaga. Puis nous en tirerons les enseignements clés en gestion de crise : quels sont les outils et les dispositifs pour se préparer à faire face au mieux à une crise réputationnelle ?

Autopsie d’une crise : d’un signal faible à une crise majeure pour Balenciaga

Le 14 novembre 2022, Balenciaga quitte Twitter après le rachat du réseau social par Elon Musk.

Six jours plus tard, le 20 novembre, une internaute s’interroge sur la présence d’enfants jouant avec des peluches habillées en tenues bondage. Les premiers commentaires, constitutifs d’un signal faible, présentaient déjà un caractère crisogène, de part la nature du débat. La marque jouait depuis longtemps avec un marketing « controversé » et avait déjà subi les effets d’une crise de moindre ampleur suite à la sortie de ses sneakers de SDF.

Le point d’infection de cette crise commence à ce moment là. Pendant 24h, les internautes ont passé au peigne fin les précédentes campagnes de Balenciaga. La crise de réputation se dessinait.

 

 

 

 
 
 
 
Timeline de la crise Balenciaga en novembre 2022. Crise de réputation, Gestion de crise. Analyse.

Et ils ont trouvé des éléments troublants : le 21 novembre, des documents à propos de pornographie infantile trouvés dans des shoots de leur campagne en collaboration avec Adidas ont été partagés. L’effet boule de neige a continué. Le 23 de novembre, le livre de l’artiste controversé, Michael Borreman, a été identifié sur une autre campagne de la marque. Face au scandale grandissant, Kim Kardashian a pris la parole le 28 novembre pour dire qu’elle allait réévaluer sa relation avec la marque suite aux fortes critiques de ses fans.

Face au scandale, Balenciaga publie un communiqué dans ses stories Instagram et supprime ses posts le 28 novembre.

Le 2 décembre, Demna, le DA de la marque, publie ses excuses sur son Instagram.

Mais lorsqu’un sujet aussi sérieux que la maltraitance sur mineurs est évoquée, les réactions du grand public sont forcément à la mesure. Par conséquent, ce n’est pas surprenant que les internautes aient considéré les réponses des médias, des personnalités publiques et de la marque comme insuffisantes.

Cette crise Balenciaga a fait perdre perdre 55,2 K followers au compte Instagram de la marque en une seule journée, alors que la tendance de recrutement était à la hausse. La performance business de Balenciaga a subi l’indignation du public comme le révélait les résultats Q4 2022 du rapport de Kering.

Un an plus tard, les conséquences se font encore ressentir puisque les répercussions du scandale publicitaire Balenciaga se sont étendues bien au-delà de la controverse initiale. La participation de Demna, le DA de la marque, a certains awards a été annulée et des devantures de magasins ont été dégradées. Une partie du public réclame à la marque un investissement dans des actions de défense des droits des enfants. La marque n’a pas réussi à revenir au niveau de performance d’avant novembre 2022.

Gestion de crise : quels sont les outils et les dispositifs pour se préparer à faire face au mieux à une crise réputationnelle ?

 

01. Élaboration d’un plan d’action préventif : un système d’alerte

Anticiper une crise de réputation en ligne implique d’avoir un plan d’action clair en place. Balenciaga aurait pu identifier à l’avance des scénarios potentiels et élaborer des stratégies de communication pour faire face à chaque situation. Il convient donc d’avoir un bon outil de détection des mentions, et de le configurer pour identifier certains éléments déclencheurs. La marque ayant pour habitude de jouer avec le scandale et les controverses, des commentaires au sujet d’enfants associés à du BDSM aurait pu être anticipés au moment de la conception de la campagne, quelques semaines/mois avant son lancement, puisque tous les éléments y étaient dans le visuel de campagne.

02. Comprendre les signaux précurseurs : mise en place d’une veille

Une fois les scénarios potentiels imaginés et les stratégies de communication pour faire face à chaque situation élaborés, un dispositif de veille est essentiel pour l’identification de signaux faibles ou précurseurs à un des scénarios imaginés. Le dispositif de veille a pour objectif la surveillance constante des médias sociaux, des forums, des blogs et des sites d’actualités. C’est le moyen le plus efficace être réactif, et pouvoir réagir avec une stratégie pré-établie.

03. Percevoir les ressentis émotionnels : analyse d’opinion

La compréhension du sentiment en ligne est cruciale pour évaluer l’opinion. Les émotions des internautes peuvent évoluer rapidement, et la capacité de percevoir ces changements est essentielle. Dans le cas de la crise Balenciaga, le tout premier post associant des enfants à la pratique BDSM revêt d’un caractère crisogène important.

04. La crise se dessine, faut-il réagir, et si oui, comment ?

Si la crise frappe, alors il convient de se poser la question de réagir ou non. Car oui, parfois, réagir peut provoquer l’effet Streisand, un phénomène médiatique involontaire. Si la réaction s’impose, alors, l’approche qui consiste à adopter la transparence la plus totale est toujours la meilleure, car le scepticisme du public peut mettre de l’huile sur le feu. Ici, Balenciaga réagit 8 jours après le premier signal faible, mais 8 jours intenses de controverses importantes, à des volumes de conversations inégalés. Demna, lui, s’excuse publiquement 12 jours plus tard. Mais c’est trop tard, la machine médiatique est lancée, et le public s’en souvient encore 1 an après.

Les systèmes d’alerte sont cruciaux pour la gestion proactive de votre réputation, et une stratégie de réaction est aussi nécessaire 

 

Surveiller et mesurer la réputation d’une marque est cruciale pour sa croissance. Il est essentiel d’être outillé et d’avoir les ressources pour être réactif et proactif face aux informations et commentaires préjudiciables.

Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle : tout ce qui est dit ou fait peut finir par être en ligne et y rester. Cela signifie qu’il est possible de détecter rapidement une crise liée à l’image d’une marque, mais qu’il est possible que cela reste et se rappelle aux bons souvenirs du public.

S’il est possible de détecter rapidement une crise en ligne, il ne suffit pas d’avoir des bons outils pour être alerté, il convient de s’y préparer en amont : dessiner les scénarios catastrophe pour paramétrer correctement les outils, et concevoir les stratégies de communication pour y répondre efficacement pour faire retomber le soufflé. La détection précoce des crises potentielles est généralement liée à une approche qualitative du suivi par des analystes experts, qui complète l’approche purement quantitative.

Si votre marque est confrontée à de la gestion de crise provenant des communautés en ligne, vous pouvez nous contacter. Nous proposons un accompagnement expert de vos équipes communication/RP en appliquant l’approche exposée ci-dessus.

Kellogg’s : de la crise sociale au tribunal populaire

Kellogg’s : de la crise sociale au tribunal populaire

En octobre dernier, après 9 mois de négociations entre les syndicats et Kellogg’s, 1400 employés des usines de 4 états des Etats-Unis se sont mis en grève pendant 2 mois et demi, pour réclamer de meilleures clauses pour les nouveaux contrats. La grève s’est étendue aux réseaux sociaux, avec de multiples rebondissements qui se sont accélérés dans les dernières semaines. Décryptage de cette crise sociale qui s’est déroulée en 3 actes, et comment la grève qu’a connu Kellogg’s impacte leur réputation.

ACTE 1 « le coup d’envoi » : les employés de Kellogg’s se mettent en grève.

 

Le 4 octobre, 1400 employés de Kellogg’s se mettent en grève. Ils manifestent devant l’usine à Battle Creek, Michigan. Ils protestent contre la perte de primes de santé, de congés payés et de vacances, ainsi que la réduction de leur retraite. L’information est partagée par un média en ligne, elle est largement relayée dans les forums, blogs et sur les réseaux sociaux dans les jours qui suivent.

 

 

Crise reputation Kellogg's Boycott
Kellogg's strike - crise de réputation

 

 

Le lendemain, un appel au boycott des produits du groupe Kellogg’s est partagé sur Twitter. L’internaute y liste toutes les marques de produits du groupe et ajoute « don’t be a scab » (= « ne soyez pas un briseur de grève »). Le post cumule 6,5K partages.

Le 13 octobre, Kellogg’s publie des annonces de recrutement pour remplacer ses employés en grève par des employés à contrat de courte durée. Et ceci en attendant de trouver un accord avec les syndicats.

Les internautes remarquent les annonces et dénoncent une tentative de destruction de l’action des syndicats, d’abord sur Reddit puis sur Twitter.

 

La grève a été largement relayée, d’abord dans les médias avant d’être partagée sur les réseaux sociaux. Kellogg’s ne s’est pas caché de recruter des travailleurs temporaires pour pallier le manque de personnel pendant la grève.

Comment cette grève de Kellogg’s impacte leur réputation ? Les internautes se sont emparés des réseaux sociaux pour appeler au boycott et relayer les informations, de façon assez classique. Donner de la visibilité à la grève et aux grévistes est une façon de les soutenir dans leurs actions, tandis qu’appeler au boycott est un moyen de mettre la pression à Kellogg’s, à la fois médiatiquement mais aussi au niveau du business.

Kellogg's reputation crisis replace striking workers

L’analyse des conversations autour de Kellogg’s nous permet de constater une baisse du sentiment, qui passe du positif au négatif assez nettement dès le début de cette crise.

Analyse reputation Kellogg's crise octobre 2021

 

ACTE 2 « l’huile sur le feu » : Kellogg’s annonce remplacer ses salariés grévistes de façon permanente.

Le 7 décembre dernier, après la 19ème session de négociations infructueuse avec les syndicats, Kellogg’s annonce remplacer définitivement tous les employés en grève. L’entreprise a déjà fait appel à des salariés et à des travailleurs extérieurs pour assurer le fonctionnement des usines pendant la grève, mais là, ils annoncent recruter pour des contrats à durée indéterminée. Kellogg’s publie une liste d’annonces de recrutement sur son site.

« After 19 negotiation sessions in 2021, and still no deal reached, we will continue to focus on moving forward to operate our business. The prolonged work stoppage has left us no choice but to continue executing the next phase of our contingency plan including hiring replacement employees in positions vacated by striking workers.« 

(communiqué à retrouver ici)

Chris Hood

Président de Kellogg Amérique du Nord

 

Un utilisateur de Reddit accuse Kellogg’s de recruter des “briseurs de grève” et poste un appel à spammer le site de recrutement de Kellogg’s.

Son appel est entendu, et les internautes postulent en masse dans le but de spammer le site de Kellogg’s. Ils finissent par y parvenir, le site crashe. L’histoire dépasse les frontières de Reddit et est relayée sur Twitter, TikTok, dans les médias … Sur TikTok, on voit même un utilisateur faire la démonstration du bot qu’il a créé pour spammer la plateforme de recrutement de Kellogg’s.

 

 

Le président Joe Biden partage son inquiétude sur Twitter face à la situation. Il déclare ainsi soutenir une législation qui condamnerait toute entreprise qui s’attaque aux syndicats et remplace de façon permanente leurs salariés en grève. Son tweet récolte 90K engagements en 2 heures, pour une visibilité potentielle de 28M.

A ce stade avancé de la crise, les internautes remarquent que le logo de Kellogg’s a disparu du packaging des fameux Pop Tarts. Ils accusent le groupe de vouloir se cacher derrière leurs marques populaires afin d’éviter le boycott. Kellogg’s a répondu en affirmant que leur logo avait effectivement été retiré depuis des mois, suite à des études marketing qui révélaient que la popularité du produit Pop Tarts était très forte, et que l’appartenance de Pop Tarts au groupe Kellogg’s avait peu d’importance au yeux des consommateurs. Cet argument n’a néanmoins pas convaincu la majorité des internautes.

Logo disparu Kellogg Pop Tarts

En parallèle, les internautes ont remarqué que la grève a des conséquences sur la qualité des produits. Les plaintes se sont multipliées en ligne, en particulier sur Twitter, où certains internautes collectionnent les captures d’écran des plaintes adressées à Kellogg’s. Ils tournent en dérision les réponses du service consommateurs qui répond systématiquement par « Yikes! » ou « Bummer! ».

Plaintes qualité produits Kelloggs crise greve reputation

Lorsqu’on regarde la donnée sociale et les volumes de conversations autour de cette grève, on note bien un premier pic de conversations, relancé un mois plus tard avec le second pic. On note également que chacun est nourri par les différents sujets évoqués, à savoir les annonces de recrutements de Kellogg’s pour remplacer les grévistes, et les appels au boycott des produits. Sans surprise, cela a un impact direct sur le sentiment des conversations qui plonge dans le négatif dès le début de la crise , avec près de 50% de mentions à teneur négative associées à Kellogg’s sur la période.

Analyse reputation Kellogg's crise décembre 2021

Acte 3 « le dénouement » : un accord est trouvé entre les syndicats et Kellogg’s. Comment cette grève a impacté leur réputation ?

Le 21 décembre, un accord est signé entre les syndicats et Kellogg’s. Cela mettant ainsi fin à une grève et a une crise de réputation qui a duré 3 mois. Les internautes se réjouissent de pouvoir enfin reprendre leur consommation de Pop Tarts (entre autres).

Comment cette grève de Kellogg’s impacte leur réputation ? La crise sociale que vit Kellogg’s illustre comment les internautes peuvent participer au mouvement en se faisait soit le relai, soit les acteurs des mouvements en ligne. Aujourd’hui, il est possible de participer et de soutenir des mouvement sociaux en y prenant part sur les réseaux sociaux. Quand les médias étaient auparavant les uniques relais, n’importe quel individu connecté peut désormais y participer.

Cette crise nous démontre que la réputation d’une marque et d’une entreprise ne repose plus exclusivement sur la qualité des produits ou des services. A cela vient s’ajouter la relation avec les employés et les partenaires. Ils sont des ambassadeurs ou des détracteurs potentiels, avec une voix qui peut porter et des alliés dans les communautés en ligne.