Kellogg’s : de la crise sociale au tribunal populaire

Kellogg’s : de la crise sociale au tribunal populaire

En octobre dernier, après 9 mois de négociations entre les syndicats et Kellogg’s, 1400 employés des usines de 4 états des Etats-Unis se sont mis en grève pendant 2 mois et demi, pour réclamer de meilleures clauses pour les nouveaux contrats. La grève s’est étendue aux réseaux sociaux, avec de multiples rebondissements qui se sont accélérés dans les dernières semaines. Décryptage de cette crise sociale qui s’est déroulée en 3 actes, et comment la grève qu’a connu Kellogg’s impacte leur réputation.

ACTE 1 « le coup d’envoi » : les employés de Kellogg’s se mettent en grève.

 

Le 4 octobre, 1400 employés de Kellogg’s se mettent en grève. Ils manifestent devant l’usine à Battle Creek, Michigan. Ils protestent contre la perte de primes de santé, de congés payés et de vacances, ainsi que la réduction de leur retraite. L’information est partagée par un média en ligne, elle est largement relayée dans les forums, blogs et sur les réseaux sociaux dans les jours qui suivent.

 

 

Crise reputation Kellogg's Boycott
Kellogg's strike - crise de réputation

 

 

Le lendemain, un appel au boycott des produits du groupe Kellogg’s est partagé sur Twitter. L’internaute y liste toutes les marques de produits du groupe et ajoute « don’t be a scab » (= « ne soyez pas un briseur de grève »). Le post cumule 6,5K partages.

Le 13 octobre, Kellogg’s publie des annonces de recrutement pour remplacer ses employés en grève par des employés à contrat de courte durée. Et ceci en attendant de trouver un accord avec les syndicats.

Les internautes remarquent les annonces et dénoncent une tentative de destruction de l’action des syndicats, d’abord sur Reddit puis sur Twitter.

 

La grève a été largement relayée, d’abord dans les médias avant d’être partagée sur les réseaux sociaux. Kellogg’s ne s’est pas caché de recruter des travailleurs temporaires pour pallier le manque de personnel pendant la grève.

Comment cette grève de Kellogg’s impacte leur réputation ? Les internautes se sont emparés des réseaux sociaux pour appeler au boycott et relayer les informations, de façon assez classique. Donner de la visibilité à la grève et aux grévistes est une façon de les soutenir dans leurs actions, tandis qu’appeler au boycott est un moyen de mettre la pression à Kellogg’s, à la fois médiatiquement mais aussi au niveau du business.

Kellogg's reputation crisis replace striking workers

L’analyse des conversations autour de Kellogg’s nous permet de constater une baisse du sentiment, qui passe du positif au négatif assez nettement dès le début de cette crise.

Analyse reputation Kellogg's crise octobre 2021

 

ACTE 2 « l’huile sur le feu » : Kellogg’s annonce remplacer ses salariés grévistes de façon permanente.

Le 7 décembre dernier, après la 19ème session de négociations infructueuse avec les syndicats, Kellogg’s annonce remplacer définitivement tous les employés en grève. L’entreprise a déjà fait appel à des salariés et à des travailleurs extérieurs pour assurer le fonctionnement des usines pendant la grève, mais là, ils annoncent recruter pour des contrats à durée indéterminée. Kellogg’s publie une liste d’annonces de recrutement sur son site.

« After 19 negotiation sessions in 2021, and still no deal reached, we will continue to focus on moving forward to operate our business. The prolonged work stoppage has left us no choice but to continue executing the next phase of our contingency plan including hiring replacement employees in positions vacated by striking workers.« 

(communiqué à retrouver ici)

Chris Hood

Président de Kellogg Amérique du Nord

 

Un utilisateur de Reddit accuse Kellogg’s de recruter des “briseurs de grève” et poste un appel à spammer le site de recrutement de Kellogg’s.

Son appel est entendu, et les internautes postulent en masse dans le but de spammer le site de Kellogg’s. Ils finissent par y parvenir, le site crashe. L’histoire dépasse les frontières de Reddit et est relayée sur Twitter, TikTok, dans les médias … Sur TikTok, on voit même un utilisateur faire la démonstration du bot qu’il a créé pour spammer la plateforme de recrutement de Kellogg’s.

 

 

Le président Joe Biden partage son inquiétude sur Twitter face à la situation. Il déclare ainsi soutenir une législation qui condamnerait toute entreprise qui s’attaque aux syndicats et remplace de façon permanente leurs salariés en grève. Son tweet récolte 90K engagements en 2 heures, pour une visibilité potentielle de 28M.

A ce stade avancé de la crise, les internautes remarquent que le logo de Kellogg’s a disparu du packaging des fameux Pop Tarts. Ils accusent le groupe de vouloir se cacher derrière leurs marques populaires afin d’éviter le boycott. Kellogg’s a répondu en affirmant que leur logo avait effectivement été retiré depuis des mois, suite à des études marketing qui révélaient que la popularité du produit Pop Tarts était très forte, et que l’appartenance de Pop Tarts au groupe Kellogg’s avait peu d’importance au yeux des consommateurs. Cet argument n’a néanmoins pas convaincu la majorité des internautes.

Logo disparu Kellogg Pop Tarts

En parallèle, les internautes ont remarqué que la grève a des conséquences sur la qualité des produits. Les plaintes se sont multipliées en ligne, en particulier sur Twitter, où certains internautes collectionnent les captures d’écran des plaintes adressées à Kellogg’s. Ils tournent en dérision les réponses du service consommateurs qui répond systématiquement par « Yikes! » ou « Bummer! ».

Plaintes qualité produits Kelloggs crise greve reputation

Lorsqu’on regarde la donnée sociale et les volumes de conversations autour de cette grève, on note bien un premier pic de conversations, relancé un mois plus tard avec le second pic. On note également que chacun est nourri par les différents sujets évoqués, à savoir les annonces de recrutements de Kellogg’s pour remplacer les grévistes, et les appels au boycott des produits. Sans surprise, cela a un impact direct sur le sentiment des conversations qui plonge dans le négatif dès le début de la crise , avec près de 50% de mentions à teneur négative associées à Kellogg’s sur la période.

Analyse reputation Kellogg's crise décembre 2021

Acte 3 « le dénouement » : un accord est trouvé entre les syndicats et Kellogg’s. Comment cette grève a impacté leur réputation ?

Le 21 décembre, un accord est signé entre les syndicats et Kellogg’s. Cela mettant ainsi fin à une grève et a une crise de réputation qui a duré 3 mois. Les internautes se réjouissent de pouvoir enfin reprendre leur consommation de Pop Tarts (entre autres).

Comment cette grève de Kellogg’s impacte leur réputation ? La crise sociale que vit Kellogg’s illustre comment les internautes peuvent participer au mouvement en se faisait soit le relai, soit les acteurs des mouvements en ligne. Aujourd’hui, il est possible de participer et de soutenir des mouvement sociaux en y prenant part sur les réseaux sociaux. Quand les médias étaient auparavant les uniques relais, n’importe quel individu connecté peut désormais y participer.

Cette crise nous démontre que la réputation d’une marque et d’une entreprise ne repose plus exclusivement sur la qualité des produits ou des services. A cela vient s’ajouter la relation avec les employés et les partenaires. Ils sont des ambassadeurs ou des détracteurs potentiels, avec une voix qui peut porter et des alliés dans les communautés en ligne.

Les forces alliées du gaming contre Activision-Blizzard

Les forces alliées du gaming contre Activision-Blizzard

La controverse qui implique Activision-Blizzard a pris une tournure inattendue en novembre dernier, puisque trois de ses principaux partenaires lui ont tourné le dos. La réaction du public a été majoritairement positive mais un nuage de doute sur les ramifications concrètes de ces événements plane sur le secteur du jeu vidéo.

(suite…)

Social War Room, un outil pour les CEO

Social War Room, un outil pour les CEO

Target a un nouveau CEO, Brian Cornell. Cet ancien de PepsiCo  est en poste depuis août 2014. Il a accepté cette mission avec l’objectif de relancer la troisième enseigne de grande distribution des Etats-Unis et reconstruire la réputation du groupe. Un portrait sur Fortune témoigne de ses mesures phares avec par exemple, la mise en exergue d’une Social War Room et une utilisation quotidienne dans le social media monitoring. Cette mesure symbolise le changement que Brian Cornell apporte à Target.

Reconstruire la réputation de Target

Fin 2013, Target a été victime d’un immense piratage où 40 millions de carte bleues ont été dérobées. Brian Krebs, un journaliste expert en sécurité informatique, avait dévoilé l’existence de cette attaque informatique. L’annonce avait ensuite viralisé sur les médias sociaux. Target avait maladroitement joué la défensive en minimisant les conséquences et sous-estimant le besoin d’information des clients/victimes qui se plaignaient en ligne. Cela a coûté 148 millions de dollars en réparation, une chute de 6% du prix de l’action au moment de l’annonce et une baisse de fréquentation des magasins en 2014.

Pour ne plus se faire surprendre, Brian Cornell a continué de développer la Social War Room (aussi appelée Social Media Command Center) au siège de Target et lui a donné un rôle central. Il s’y rend tous les matins et demande un rapport deux fois par jour.

targetcommandcenter

Avec cette mise en valeur de l’écoute des réseaux sociaux, Target rempli deux objectifs : premièrement, les crises venant du digital ne prendront plus Target de court. Deuxièmement, la chaîne envoie un signal fort sur sa volonté d’approfondir sa relation et la compréhension des attentes clients. Ces efforts servent le CEO et sa reconstruction de la réputation de Target.

Une tendance chez les grandes marques

Les social war rooms au sein des entreprises sont encore des outils de communication efficaces qui impressionnent les médias. Dans les entreprises notables, Gatorade (PepsiCo) avait dégainé en premier en 2010.

En 2012, Nestlé élève le niveau en communiquant sur une « Digital Acceleration Team » basée au siège. De plus, la marque formerait les employés au digital depuis une salle de contrôle similaire.

Ne négligez pas l’ingrédient clé : l’humain

Finalement, ces salles de contrôle sont de bons moyens de communiquer en interne et en externe sur la volonté d’écouter et digitaliser l’entreprise. Le risque est ici de voir ces centres de commande ne devenir que des objets de communication. Combien de salle de contrôle seront progressivement abandonnées une fois l’effet d’annonce passé ? L’ingrédient clé du succès d’une social war room se trouve dans les personnes à sa tête : compétence et qualité du travail des analystes, veilleurs et community managers derrière ces écrans. Leur rôle sera d’assurer la veille en continu et diffuser en interne tous les insights pertinents aux dirigeants, aux équipes marketing, communication, RH etc. Disposer des meilleurs technologies est certes utile, mais encore faut il savoir les utiliser à bon escient et efficacement.

La réputation de l’Huile de Palme en France

La réputation de l’Huile de Palme en France

Suite au léger bad buzz envers la dernière campagne Nutella (d’autres sites en parlent) nous nous sommes penchés sur l’évolution de la réputation de l’huile de palme. En analysant les 12 derniers mois de discussions et mentions de l’huile de palme en France et dans le monde nous pouvons observer comment le sujet évolue dans les conversations des français au fil des actualités, de différentes campagnes des organisations et d’opérations marketing. Avant de regarder les data, un peu d’histoire.

 

Sur les dernières années, l’huile de palme en France c’est une histoire avec trois temps forts :

  • En 2010, la campagne Greenpeace UK contre Kit-Kat : Un buzz international obtenu grâce à une vidéo et une réaction maladroite de la part de Nestlé.
  • En 2012 une « taxe Nutella » est présentée aux commissions des affaires sociales au Sénat et à l’Assemblée Nationale par les députés Jean-Louis Roumegas et Véronique Massonneau (EELV). Un débat se lance sur la contribution de l’huile de palme à l’obésité ou au cancer mais l’amendement est abandonné.
  • En 2013, le premier ministre Jean-Marc Ayrault assure au gouvernement malaisien que la taxe est enterrée.

Les data et la réputation de l’huile de palme:

A travers le monde occidental, l’huile de palme est un sujet d’intérêt fort pour les ONG environnementales, les activistes et les consommateurs sensibles aux sujets de la déforestation et la préservation des espèces en danger d’extinction. En France, la problématique santé dominait les inquiétudes des consommateurs. Cependant, notre étude indique qu’une bascule s’est opérée à la fin de l’année 2014. Les français rejoignent le reste du monde et démontrent désormais un intérêt plus fort pour l’environnement et la déforestation.

Les signaux forts / faibles qui pourraient affecter les marques :

  • Expropriation terriennes en Malaisie, Indonésie, Amazonie… Plusieurs peuples autochtones sont déplacés de leurs terres, souvent dans la violence. Les images sont poignantes et virales.
  • La santé des agriculteurs et leurs conditions de travail posent parfois problème. L’huile de palme est un sujet médiatiquement porteur pour les ONG, certaines (anti-OGM) font un lien entre l’insecticide Paraquat et son danger pour la santé humaine. D’autres ONG pointent du doigt la présence d’enfants dans les champs de palme. A l’image des conditions de travail au Bangladesh dans le textile, ce sujet pourrait conduire à une crise.
  • La montée du Cameroun qui veut concurrencer l’Asie du Sud-Est sur l’exportation d’huile de palme. Les enjeux de déforestation au Cameroun commencent à être relayés par des lanceurs d’alertes écologistes.

Les solutions pour les marques :

  • S’assurer du respect du discours sur l’huile de palme durable. Les politiques RSE sur l’huile de palme s’étendent désormais au-delà de l’environnement et seront attendues sur le traitement des travailleurs locaux ainsi que des populations autochtones.
  • Surveiller les publications scientifiques et leurs relais dans les communautés santé afin d’anticiper de potentiels résurgences sur la santé.
  • Garder un œil sur l’évolution du Cameroun et ne pas être pris de court si vos fournisseurs se font attaquer sur la déforestation.
  • Établir des relations avec les ONG et Key Opinion Leaders. L’absence de réponse ou argumentation entraînent une riposte, souvent en plaçant la marque sur une liste rouge ou noire.