Les clubs de football face à la montée des polémiques

Les clubs de football face à la montée des polémiques

Depuis plusieurs mois, le football fait face à une montée des polémiques. Des faits d’actualités graves dans les stades mais aussi sur les réseaux sociaux viennent impacter directement l’image du sport ainsi que la réputation des clubs concernés. Ces derniers se retrouvant en situation de crise font face aux supporters, aux médias, aux sponsors et aux pouvoirs publics. Nous avons étudié plusieurs polémiques récentes nécessitant des stratégies de gestion de crises multiples. Au fil de l’article, nous aborderons les types de sujets sensibles les plus fréquents, l’engagement du public autour de ces faits et les méthodes adoptées pour gérer cette communication de crise.

 

Quels constats ces derniers mois ?

 

Passant de 1,6 million de mentions en 2021 à 2,8 millions uniquement pour les 2 premiers mois de 2022, les clubs font face à une intensité grandissante des discussions polémiques en ligne. Ces situations sont donc très largement diffusés et discutés sur les réseaux sociaux, et plus particulièrement sur Twitter.

En préambule à cet article, il est important de noter que les joueurs peuvent être à la fois acteurs ou victimes de ces scandales.

  • Certains joueurs sont victimes d’actes racistes, dans les stades mais aussi sur les réseaux sociaux.
  • D’autres joueurs sont également acteurs de ces faits polémiques : des faits de violences conjugales, de maltraitance animale ou encore de consommation de drogue et d’alcool.

Quels sont les sujets déclencheurs de ces polémiques ?

 

Le football anglais plus touché

Nous avons sélectionné 37 polémiques ayant eu lieu ces 14 derniers mois, dont 26 proviennent d’Angleterre et 11 de France.

nombre de polemique

Les joueurs de football professionnels victimes de racisme en ligne

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D'augmentation des faits de racisme en 2021

Les joueurs sont régulièrement victimes de faits de racisme, et ces faits sont en hausse (+50% par rapport à la saison passée en Angleterre). Ces faits représentent la majorité des cas analysés dans cet article (57%).

Avec les réseaux sociaux, les internautes ont désormais des outils pour interpeller directement les joueurs. Nombreux sont bienveillants mais une minorité utilise ces outils pour véhiculer des messages haineux.

Un des exemples les plus visibles en 2021 est survenu suite à la défaite de l’équipe d’Angleterre en finale de l’Euro. Plusieurs joueurs ont été ciblés par des commentaires haineux et racistes sous leurs publications mais également via des messages privés.

L’équipe d’Angleterre aussi appelé Three Lions a réagi un visuel fort défendant les trois joueurs principalement attaqués.

England

Les violences conjugales, le racisme et la maltraitance animale : thématiques les plus discutées

 

La thématique des violences conjugales génère le plus l’attention en ligne avec plus de 1 million de mentions sur Twitter.

Part des conversations par sujets déclencheurs

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Violence

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Racisme

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Maltraitance animale

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Drogue/ Alcool

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Pédophilie

La polémique la plus volumineuse est celle de Mason Greenwood, joueur de l’équipe anglaise de Manchester United. Son ex-conjointe a diffusé des photos et des enregistrements sur Twitter pour appuyer ses accusations de violences et de viols.

crise reputation

Comme nous pouvons le voir ci-dessus, l’affaire Mason Greenwood mais aussi les accusations de viols contre Benjamin Mendy ont généré de nombreuses réactions. Cela s’explique d’abord par la gravité des sujets déclencheurs qui a engendré de vives réactions, mais également par plusieurs rebondissements dont la diffusion de preuves venant appuyer les accusations des victimes et profondément choquer le grand public.

Comment réagissent les clubs anglais ?

 

Les comportements des joueurs peuvent dès lors directement affecter les performances sportives et la réputation d’un club. Face à ces polémiques, plusieurs stratégies sont choisies par ces derniers :

  • Pas de réaction
  • Publication d’un communiqué de presse
  • Prise de décisions supplémentaires

Et dans la majorité des cas, on constate que 60% d’entre eux décident de communiquer face à la situation.

Type de réactions

  • Pas de reaction 40% 40%
  • Communiqué 39% 39%
  • Actions supplémentaires 21% 21%

Type de réactions -Violence

  • Pas de reaction 50% 50%
  • Communiqué 25% 25%
  • Actions supplémentaires 25% 25%

Type de réactions -Racisme

  • Pas de reaction 23% 23%
  • Communiqué 41% 41%
  • Actions supplémentaires 36% 36%

Type de réactions -Drogue / Alcool

  • Pas de reaction 80% 80%
  • Communiqué 20% 20%

Grâce à ces données chiffrées, nous pouvons constater une disparité de réactions en fonction du type d’affaires. Les faits de racisme entrainent le plus de décisions supplémentaires, notamment avec des investigations mais aussi des supporters bannis des stades. En revanche, les clubs décident de ne pas se positionner, ou très peu,  sur les sujets de consommation de drogue et d’alcool.

A noter également que les clubs français réagissent beaucoup moins que les clubs anglais (70% contre 24%). Lorsqu’ils décident de répondre à une polémique, on constate que les clubs français utilisent plus largement le communiqué comme moyen de réponse, tandis que les clubs anglais sont plus susceptibles de mettre en place des actions supplémentaires.

Types de réactions au Royaume Uni
  • Pas de réaction 40% 40%
  • Communiqué  36% 36%
  • Actions supplémentaires 40% 40%
Types de réactions en France
  • Pas de réaction 30% 30%
  • Communiqué  70% 70%

Pas de réaction

Certains clubs décident de ne pas réagir aux affaires. Le Bayern Munich a opté pour cette stratégie lorsque Kingsley Coman a été condamné pour violence conjugale par la justice allemande en 2017. Parfois utile, cette stratégie peut affecter l’image du club sur le long terme, des tweets étant encore postés récemment sur le sujet.

Publication d’un communiqué de presse

Les clubs optent le plus souvent pour un communiqué de presse. Ces communiqués permettent aux clubs d’acter leur connaissance du sujet, tout en gardant une certaine distance (distance parfois nécessaire juridiquement).

Prise de décisions supplémentaires

En réaction à l’actualité autour de Mason Greenwood, Manchester United a rapidement donné l’opportunité aux supporters de changer ou de rendre le maillot du joueur. Cette réaction symboliquement forte a permis de générer une baisse rapide des prises de parole négatives contre le club.

Outre l’aspect réputationnel, ces crises peuvent directement affecter l’aspect financier. Cela a notamment été le cas lorsque que Kurt Zouma (West Ham) a été accusé de maltraitance animale. Vitality Health, sponsor du club, a décidé de suspendre sa collaboration avec le club londonien après cette affaire. West Ham a choisi de régler l’affaire en interne, infligeant une amende au joueur.

Cette analyse des différentes typologies de réaction démontre également le degré de préparation de certains clubs qui, confrontés à des polémiques par le passé, ont mis en place des processus pour faciliter la prise de décision. Se préparer en amont afin d’assurer une réponse rapide et adaptée peut avoir un rôle à jouer dans la réduction l’impact négatif sur la réputation du club.

 

Comment les clubs de football peuvent-ils se préparer ?

 

Avec une progression constante des polémiques, les clubs ont tout à gagner à s’inspirer des processus de gestion de crise établis et d’anticiper certaines situations. 

Dans cette phase de préparation et d’anticipation, les clubs peuvent aussi mettre en place une veille quotidienne sur les médias sociaux  afin d’être informés le plus rapidement possible grâce à des alertes automatisés. 

Enfin, pour une gestion de crise sur-mesure, d’autres éléments doivent également être pris en compte. Un de ces éléments est la localisation. Comme visible ci-dessous, les clubs français doivent notamment faire preuve d’une attention supplémentaire concernant les réseaux sociaux.

type reaction polemique
Kellogg’s : de la crise sociale au tribunal populaire

Kellogg’s : de la crise sociale au tribunal populaire

En octobre dernier, après 9 mois de négociations entre les syndicats et Kellogg’s, 1400 employés des usines de 4 états des Etats-Unis se sont mis en grève pendant 2 mois et demi, pour réclamer de meilleures clauses pour les nouveaux contrats. La grève s’est étendue aux réseaux sociaux, avec de multiples rebondissements qui se sont accélérés dans les dernières semaines. Décryptage de cette crise sociale qui s’est déroulée en 3 actes, et comment la grève qu’a connu Kellogg’s impacte leur réputation.

ACTE 1 « le coup d’envoi » : les employés de Kellogg’s se mettent en grève.

 

Le 4 octobre, 1400 employés de Kellogg’s se mettent en grève. Ils manifestent devant l’usine à Battle Creek, Michigan. Ils protestent contre la perte de primes de santé, de congés payés et de vacances, ainsi que la réduction de leur retraite. L’information est partagée par un média en ligne, elle est largement relayée dans les forums, blogs et sur les réseaux sociaux dans les jours qui suivent.

 

 

Crise reputation Kellogg's Boycott
Kellogg's strike - crise de réputation

 

 

Le lendemain, un appel au boycott des produits du groupe Kellogg’s est partagé sur Twitter. L’internaute y liste toutes les marques de produits du groupe et ajoute « don’t be a scab » (= « ne soyez pas un briseur de grève »). Le post cumule 6,5K partages.

Le 13 octobre, Kellogg’s publie des annonces de recrutement pour remplacer ses employés en grève par des employés à contrat de courte durée. Et ceci en attendant de trouver un accord avec les syndicats.

Les internautes remarquent les annonces et dénoncent une tentative de destruction de l’action des syndicats, d’abord sur Reddit puis sur Twitter.

 

La grève a été largement relayée, d’abord dans les médias avant d’être partagée sur les réseaux sociaux. Kellogg’s ne s’est pas caché de recruter des travailleurs temporaires pour pallier le manque de personnel pendant la grève.

Comment cette grève de Kellogg’s impacte leur réputation ? Les internautes se sont emparés des réseaux sociaux pour appeler au boycott et relayer les informations, de façon assez classique. Donner de la visibilité à la grève et aux grévistes est une façon de les soutenir dans leurs actions, tandis qu’appeler au boycott est un moyen de mettre la pression à Kellogg’s, à la fois médiatiquement mais aussi au niveau du business.

Kellogg's reputation crisis replace striking workers

L’analyse des conversations autour de Kellogg’s nous permet de constater une baisse du sentiment, qui passe du positif au négatif assez nettement dès le début de cette crise.

Analyse reputation Kellogg's crise octobre 2021

 

ACTE 2 « l’huile sur le feu » : Kellogg’s annonce remplacer ses salariés grévistes de façon permanente.

Le 7 décembre dernier, après la 19ème session de négociations infructueuse avec les syndicats, Kellogg’s annonce remplacer définitivement tous les employés en grève. L’entreprise a déjà fait appel à des salariés et à des travailleurs extérieurs pour assurer le fonctionnement des usines pendant la grève, mais là, ils annoncent recruter pour des contrats à durée indéterminée. Kellogg’s publie une liste d’annonces de recrutement sur son site.

« After 19 negotiation sessions in 2021, and still no deal reached, we will continue to focus on moving forward to operate our business. The prolonged work stoppage has left us no choice but to continue executing the next phase of our contingency plan including hiring replacement employees in positions vacated by striking workers.« 

(communiqué à retrouver ici)

Chris Hood

Président de Kellogg Amérique du Nord

 

Un utilisateur de Reddit accuse Kellogg’s de recruter des “briseurs de grève” et poste un appel à spammer le site de recrutement de Kellogg’s.

Son appel est entendu, et les internautes postulent en masse dans le but de spammer le site de Kellogg’s. Ils finissent par y parvenir, le site crashe. L’histoire dépasse les frontières de Reddit et est relayée sur Twitter, TikTok, dans les médias … Sur TikTok, on voit même un utilisateur faire la démonstration du bot qu’il a créé pour spammer la plateforme de recrutement de Kellogg’s.

 

 

Le président Joe Biden partage son inquiétude sur Twitter face à la situation. Il déclare ainsi soutenir une législation qui condamnerait toute entreprise qui s’attaque aux syndicats et remplace de façon permanente leurs salariés en grève. Son tweet récolte 90K engagements en 2 heures, pour une visibilité potentielle de 28M.

A ce stade avancé de la crise, les internautes remarquent que le logo de Kellogg’s a disparu du packaging des fameux Pop Tarts. Ils accusent le groupe de vouloir se cacher derrière leurs marques populaires afin d’éviter le boycott. Kellogg’s a répondu en affirmant que leur logo avait effectivement été retiré depuis des mois, suite à des études marketing qui révélaient que la popularité du produit Pop Tarts était très forte, et que l’appartenance de Pop Tarts au groupe Kellogg’s avait peu d’importance au yeux des consommateurs. Cet argument n’a néanmoins pas convaincu la majorité des internautes.

Logo disparu Kellogg Pop Tarts

En parallèle, les internautes ont remarqué que la grève a des conséquences sur la qualité des produits. Les plaintes se sont multipliées en ligne, en particulier sur Twitter, où certains internautes collectionnent les captures d’écran des plaintes adressées à Kellogg’s. Ils tournent en dérision les réponses du service consommateurs qui répond systématiquement par « Yikes! » ou « Bummer! ».

Plaintes qualité produits Kelloggs crise greve reputation

Lorsqu’on regarde la donnée sociale et les volumes de conversations autour de cette grève, on note bien un premier pic de conversations, relancé un mois plus tard avec le second pic. On note également que chacun est nourri par les différents sujets évoqués, à savoir les annonces de recrutements de Kellogg’s pour remplacer les grévistes, et les appels au boycott des produits. Sans surprise, cela a un impact direct sur le sentiment des conversations qui plonge dans le négatif dès le début de la crise , avec près de 50% de mentions à teneur négative associées à Kellogg’s sur la période.

Analyse reputation Kellogg's crise décembre 2021

Acte 3 « le dénouement » : un accord est trouvé entre les syndicats et Kellogg’s. Comment cette grève a impacté leur réputation ?

Le 21 décembre, un accord est signé entre les syndicats et Kellogg’s. Cela mettant ainsi fin à une grève et a une crise de réputation qui a duré 3 mois. Les internautes se réjouissent de pouvoir enfin reprendre leur consommation de Pop Tarts (entre autres).

Comment cette grève de Kellogg’s impacte leur réputation ? La crise sociale que vit Kellogg’s illustre comment les internautes peuvent participer au mouvement en se faisait soit le relai, soit les acteurs des mouvements en ligne. Aujourd’hui, il est possible de participer et de soutenir des mouvement sociaux en y prenant part sur les réseaux sociaux. Quand les médias étaient auparavant les uniques relais, n’importe quel individu connecté peut désormais y participer.

Cette crise nous démontre que la réputation d’une marque et d’une entreprise ne repose plus exclusivement sur la qualité des produits ou des services. A cela vient s’ajouter la relation avec les employés et les partenaires. Ils sont des ambassadeurs ou des détracteurs potentiels, avec une voix qui peut porter et des alliés dans les communautés en ligne.

Les forces alliées du gaming contre Activision-Blizzard

Les forces alliées du gaming contre Activision-Blizzard

La controverse qui implique Activision-Blizzard a pris une tournure inattendue en novembre dernier, puisque trois de ses principaux partenaires lui ont tourné le dos. La réaction du public a été majoritairement positive mais un nuage de doute sur les ramifications concrètes de ces événements plane sur le secteur du jeu vidéo.

(suite…)

Social War Room, un outil pour les CEO

Social War Room, un outil pour les CEO

Target a un nouveau CEO, Brian Cornell. Cet ancien de PepsiCo  est en poste depuis août 2014. Il a accepté cette mission avec l’objectif de relancer la troisième enseigne de grande distribution des Etats-Unis et reconstruire la réputation du groupe. Un portrait sur Fortune témoigne de ses mesures phares avec par exemple, la mise en exergue d’une Social War Room et une utilisation quotidienne dans le social media monitoring. Cette mesure symbolise le changement que Brian Cornell apporte à Target.

Reconstruire la réputation de Target

Fin 2013, Target a été victime d’un immense piratage où 40 millions de carte bleues ont été dérobées. Brian Krebs, un journaliste expert en sécurité informatique, avait dévoilé l’existence de cette attaque informatique. L’annonce avait ensuite viralisé sur les médias sociaux. Target avait maladroitement joué la défensive en minimisant les conséquences et sous-estimant le besoin d’information des clients/victimes qui se plaignaient en ligne. Cela a coûté 148 millions de dollars en réparation, une chute de 6% du prix de l’action au moment de l’annonce et une baisse de fréquentation des magasins en 2014.

Pour ne plus se faire surprendre, Brian Cornell a continué de développer la Social War Room (aussi appelée Social Media Command Center) au siège de Target et lui a donné un rôle central. Il s’y rend tous les matins et demande un rapport deux fois par jour.

targetcommandcenter

Avec cette mise en valeur de l’écoute des réseaux sociaux, Target rempli deux objectifs : premièrement, les crises venant du digital ne prendront plus Target de court. Deuxièmement, la chaîne envoie un signal fort sur sa volonté d’approfondir sa relation et la compréhension des attentes clients. Ces efforts servent le CEO et sa reconstruction de la réputation de Target.

Une tendance chez les grandes marques

Les social war rooms au sein des entreprises sont encore des outils de communication efficaces qui impressionnent les médias. Dans les entreprises notables, Gatorade (PepsiCo) avait dégainé en premier en 2010.

En 2012, Nestlé élève le niveau en communiquant sur une « Digital Acceleration Team » basée au siège. De plus, la marque formerait les employés au digital depuis une salle de contrôle similaire.

Ne négligez pas l’ingrédient clé : l’humain

Finalement, ces salles de contrôle sont de bons moyens de communiquer en interne et en externe sur la volonté d’écouter et digitaliser l’entreprise. Le risque est ici de voir ces centres de commande ne devenir que des objets de communication. Combien de salle de contrôle seront progressivement abandonnées une fois l’effet d’annonce passé ? L’ingrédient clé du succès d’une social war room se trouve dans les personnes à sa tête : compétence et qualité du travail des analystes, veilleurs et community managers derrière ces écrans. Leur rôle sera d’assurer la veille en continu et diffuser en interne tous les insights pertinents aux dirigeants, aux équipes marketing, communication, RH etc. Disposer des meilleurs technologies est certes utile, mais encore faut il savoir les utiliser à bon escient et efficacement.