Comment la fake news de Vincent Flibustier sur CrowdStrike est devenue virale ?

Comment la fake news de Vincent Flibustier sur CrowdStrike est devenue virale ?

Le 19 juillet 2024, une mise à jour défectueuse du logiciel de sécurité de CrowdStrike a provoqué le crash de 8,5 millions d’ordinateurs sous Windows. Cela a entraîné la plus grande panne informatique de l’histoire. Cette coupure a touché divers secteurs à l’échelle mondiale, perturbant surtout les compagnies aériennes, les banques, les hôpitaux et les services gouvernementaux. Le préjudice financier est estimé à au moins 10 milliards de dollars.

D’après Cirium, qui se présente comme « la source la plus fiable au monde en matière d’analyse aéronautique », 5 078 vols, soit 4,6 % des vols programmés ce jour-là, ont été annulés à l’échelle mondiale.

 

Mais c’était quoi le bug en fait ?

Rapidement, sans rentrer dans les détails trop techniques, la mise à jour de CrowdStrike a entraîné l’entrée des ordinateurs dans une boucle de redémarrage. L’erreur a été identifiée en quelques heures et un correctif a été déployé, mais celui-ci est assez complexe à réaliser pour une personne dont ce n’est pas le métier.

Un utilisateur Windows subissant le problème CrowdStrike

Un sentiment de panique généralisé

Tout cela a engendré un climat de panique en ligne, avec des entreprises et des employés incapables d’accéder à leurs outils de travail. A titre de comparaison en seulement 24 heures, on a compté 2,3 millions de conversations, soit un peu moins que le nombre de discussions qu’il y a eu en une semaine autour des JO de Paris 2024, qui s’élève à 2,8 millions.

Mentions CrowdStrike & Paris 2024

Dans ce contexte, Vincent Flibustier tweete une fake news ajoutant au chaos

L’absence de communication claire a exacerbé les tensions, ajoutant à la confusion générale et à la sensation de chaos numérique. Et c’est sur cette situation que Vincent Flibustier, formateur en citoyenneté numérique et spécialiste en « fake news », a réussi à surfer. Avec son photo montage, il a fait croire que c’était son premier jour chez CrowdStrike et qu’il venait de faire une mise à jour avant de prendre son après-midi.

Sur X, les internautes ont spéculé sur les causes de ce bug

Dans ce climat de panique totale, mêlant manque d’information, tension et blague, sa fake news s’est propagée rapidement sur X, notamment auprès des internautes peu suivis / non influenceurs. Seuls deux comptes avec plus d’abonnés qui lui (300K et 200K) ont relayé son post, ce qui ne peut justifier à lui seul l’ampleur de l’écho en ligne.

Lui-même donne plusieurs raisons expliquant pourquoi cela a fonctionné :

  1. Aucun coupable n’a encore été désigné.
  2. Le coupable apparent est perçu comme « idiot ».
  3. Les gens ont besoin d’informations inédites.
  4. La fake news est écrite en anglais pour une plus large diffusion, et surtout c’est une communauté qui ne sait pas qui il est.
  5. Détournement de l’attention avec les doigts de nain, ce qui fait qu’on se concentre moins sur le mauvais déroutage.
  6. Le biais de confirmation : « L’information me plaît, elle est donc vraie ».
  7. La fake news est poussée par une communauté qui sait que c’est une blague.

Et c’est certainement le fait d’avoir communiqué en anglais qui a contribué à faire de cette publication un véritable buzz. En effet, les mentions émises depuis les États-Unis représentent plus de la moitié des conversations sur le sujet, suivis par les mentions émises depuis la Turquie et le Japon.

Part des mentions sur CrowdStrike
Part des mentions sur la publciation de Vincent Flibustier

On retrouve une audience similaire chez les internautes ayant relayé le tweet de Vincent Flibustier par citations ou retweet. Près de la moitié proviennent des États-Unis, suivis du Japon, puis de la France, sa communauté.

Quid de la réaction de CrowdStrike ?

À la suite de cet évènement, l’entreprise a cherché à être la plus transparente possible sur ce qui est arrivé en publiant un long rapport détaillant ce qui a mal tourné et pourquoi. Elle s’est engagée à améliorer ses méthodes de test pour éviter de futures erreurs et offre. Ce rapport est mis en avant en haut de leur site, accompagné d’un message d’excuse du CEO de CrowdStrike, George Kurtz.

En revanche, il n’est pas certain qu’il ait été judicieux de mettre en avant les bons d’achat de 10 dollars de crédits Uber Eats offerts aux employés pour le « travail supplémentaire » fourni pour aider les clients de CrowdStrike. D’autant plus que certains de ces bons d’achat étaient invalides…

La gestion de crise de CrowdStrike souligne l’importance de la réactivité en ligne. C’est ainsi que chez Digital Insighters nous décryptons les événements marquants, en remontant les origines de l’événement en ligne pour mieux en comprendre les mécaniques, afin de pouvoir réagir en adéquation.

KINGS LEAGUE, quand la culture Internet crée un nouveau sport… ça cartonne

KINGS LEAGUE, quand la culture Internet crée un nouveau sport… ça cartonne

Dimanche 26 mars, 92 522 personnes avaient pris d’assaut le Camp Nou, le stade du FC Barcelone, pour assister à la finale de la Kings League, tournoi qui mêle du football et des mécaniques de jeu vidéo. Ils étaient 2.1 millions à suivre la finale en direct sur les différentes plateformes de streaming comme Twitch, YouTube et TikTok qui diffusent les matchs gratuitement. Bien qu’elle n’en soit qu’à sa première saison, la Kings League a suscité un engouement considérable.

Lancée officiellement en novembre 2022 par la société d’investissement Kosmos, dirigée par l’ancien footballeur Gerard Piqué, cette compétition de football revisitée, comporte des règles insolites et fantaisistes qui ont été conçues avec l’aide des internautes. Notamment comme l’introduction de cartes secrètes qui sont tirées au sort avant chaque match et qui peuvent modifier les règles pendant une brève période. Par exemple : un but en vaut deux pendant une minute ou encore ou encore le gardien ne peut pas utiliser ses mains durant une minute.

Comment la Kings League est devenue un phénomène ?

Nous avons comparé la compétition à d’autres événements sportifs et esportifs majeurs de la région, tels que la Ligue des Champions, la Liga (en Espagne uniquement) et la plus grande ligue esports européenne, la LEC, il apparaît clairement que la Kings League arrive à se démarquer de ces compétitions.

La compétition qui a lieu tous les dimanches entre directement en concurrence avec la LEC, qui est diffusée sur Twitch et YouTube et dont l’un des présidents, Ibai, deuxième plus grand streamer hispanophone avec 13 millions d’abonnés sur Twitch, possède une équipe esportive en LEC, KOI.

Bien que la Kings League soit moins discutée que la Liga, l’engagement par auteur est plus élevé, attestant d’un réel engouement autour de cette nouvelle compétition.

La Kings League doit cette popularité non seulement à son caractère innovant, mais aussi grâce aux différents acteurs qui ont participé à sa création, notamment via les 12 présidents d’équipe. Ces présidents de clubs sont des personnalités reconnues dans le monde que ce soit par le biais d’Internet, du football ou de la presse. Leur présence contribue à promouvoir la crédibilité de la compétition tout en leur assurant une forte couverture sur les principaux réseaux sociaux.

On peut diviser les présidents en 5 catégories :

    1. Les streamers Twitch : comma Ibai ou TheGrefg (12.9 M & 11.3 M abonnés)
    2. Les streamers YouTube : DJ Mario ou xBuyer  (8.7 M & 5.5 M abonnés)
    3. Les TikTokers : Juansguarnizo ou Adri Contreras (11.7 M & 4 M abonnés)
    4. Les anciens footballers qui sont de véritables stars : Kun Aguero et Iker Casillas (29M & 19M abonnés sur Instagram)
    5. Un journaliste sportif : Gerard Romero (1M d’abonnés sur Twitter)

De ce fait, les pre-shows ou les pauses entre les matches animés par les présidents d’équipes et Gerard Piqué ont permis d’accroître l’enthousiasme autour de l’événement qui ne se résumait plus seulement en une compétition de football. L’exemple le plus marquant fait suite aux paroles de la chanson de Shakira à l’égard de Piqué « tu as échangé ta Rolex contre une Casio ». À la suite de cela, Piqué a offert une montre à tous les présidents et a annoncé en live un partenariat entre la Kings League et Casio (qui n’a jamais été signé) générant le pic de conversions autour de la compétition, surpassant même le jour de la finale.

Une compétition qui dépasse les frontières espagnoles.

 

La compétition ne concerne pas seulement les Espagnols, mais l’ensemble du monde hispanophone, comme le montre le graphique ci-dessous qui situe tous les auteurs qui ont pris la parole sur les réseaux sociaux à propos de la Kings League. Seulement un peu plus d’un tiers des auteurs sont espagnols, avec une représentation significative des autres pays d’Amérique hispanophone.

En effet la Kings League a l’avantage d’avoir des présidents d’équipe espagnols qui sont déjà populaires dans le monde hispanique. De plus, trois d’entre eux sont originaires de ce continent : Kun Aguero (Argentine), Juan Guarnizo (Colombie) et Samantha Rivera (Mexique).

À cela s’ajoutent les « super invités », des personnalités extérieures qui peuvent être appelées par n’importe quelle équipe pour un match. Deux figures emblématiques du monde latino-américain y ont participé : le Brésilien Ronaldinho et le Mexicain Javier Hernandez, plus connu sous le nom de Chicharito.

Une audience pour le moment majoritairement masculine.

Néanmoins, en raison des profils des présidents et des invités (une seule femme est présidente), la composition de l’audience est fortement masculine (78% contre 22% pour les femmes). Les acteurs de la compétition ont compris qu’ils pouvaient élargir leur audience, et la Queens League Oysho est déjà en route et commencera le 6 mai.

Répartition par sexe de l’audience de la Kings League 

Les sponsors tirent profit de l’événement et de leur relation avec les présidents via leurs équipes esports.

Parmi les sponsors qui ont saisi l’occasion de participer cette nouvelle compétition y figurent Infojobs, Simyo, Grefusa, CUPRA, Xiaomi, Spotify et McDonald’s. Certains ont bien été intégrés à l’événement, c’est le cas de McDonald’s qui fait la promotion de son service de livraison au moment de l’engagement (après un décompte de 30 secondes chacune des équipes doit s’empresser de récupérer le ballon au centre) créant ainsi un moment excitant sur lequel McDonald’s a su capitaliser. Il est également intéressant de noter que la moitié de ces équipes sponsorise également des équipes esportives espagnoles appartenant aux présidents d’équipe.

Un autre sponsor gravitant autour de l’événement principal a attiré notre attention, il s’agit de Marca. Le quotidien le plus lu d’Espagne est le sponsor de la Fantasy League de la Kings League, offrant ainsi aux fans la possibilité de s’impliquer davantage dans la compétition, avec un jeu en ligne. L’aspect unique de cette Fantasy League est qu’elle est extrêmement gamifiée, permettant aux utilisateurs d’échanger, de vendre et d’acheter des joueurs dont la valeur fluctue en fonction de leurs performances lors des matchs et chaque joueur dispose de ses propres caractéristiques, comme cela pourrait être le cas sur FIFA

Finalement, qu’en disent les internautes ?

On peut distinguer les internautes hispaniques des internautes internationaux non hispaniques. Les internautes hispaniques ont tendance à souligner l’aspect ultra-innovant de la compétition, certains la considérant comme l’avenir du football, tandis que d’autres en profitent pour critiquer la gestion du président de la Liga, Javier Tebas. Les utilisateurs internationaux ignorent souvent l’existence de la Kings League et sont agréablement surpris lorsqu’ils la découvrent. Bien qu’ils apprécient l’initiative innovante, ils ont tendance à être plus prudents quant à la possibilité qu’elle remplace le football traditionnel.

I follow the king league and believe me, is sooo much dynamic and faster than « normal futbol » and with very good players. The final 4 game will be next week in the Camp Nou with 90K people with ticktes all ready. This is the future of futbol for new generation.

Ça ne remplacera pas le foot conventionnel, mais ça peut être marrant.

Very interesting. I didn’t know I lived under a rock too.

En conclusion, on assiste à la création d’une nouvelle discipline sportive ultra-innovante et populaire.

En quelques mois, Gerard Piqué a réussi à créer une compétition dynamique et interactive qui fusionne les mondes des jeux vidéo et du football, avec l’implication de figures des deux domaines, renforçant ainsi la légitimité de l’événement. La compétition se développe très vite car en plus de la Queen League, la Kings League va déjà s’exporter. Une Kings League Brésil est sur le point d’être lancée, avec Neymar comme président de l’une des équipes.