Aujourd’hui marque le deuxième anniversaire de ChatGPT, une occasion de faire le point sur son impact et celui des LLM ou des « agents IA » dans notre domaine du social listening. Un secteur dans lequel j’ai baigné depuis plus de 15 ans. L’IA fascine et intrigue, mais elle est souvent source de confusion pour nos clients, prospects et partenaires. Nombreux sont ceux qui présentent ses capacités comme magiques et inédites, or, il est temps de lever le voile sur quelques idées reçues et de démystifier ce qui relève parfois d’un discours « bullshit ».
Idée reçue #1 : Remplacer les analystes Social Listening par l'IA c'est facile
En réalité : remplacer un analyste social data par de l’IA générative peut paraître envisageable… si votre sujet d’analyse est limité et que l’enjeu de précision n’est pas primordial. Cependant, dans les faits, les modèles d’IA actuels manquent de nuance et de contexte. Ils se comportent parfois comme des « jeunes recrues » : trop confiants ou, au contraire, hésitants, particulièrement face aux subtilités de la culture web. Les LLM, dont ChatGPT, présentent des limites techniques majeures que nos clients découvrent souvent trop tard :
Déconnexion de l’actualité : La mise à jour du modèle conditionne sa capacité à interpréter les tendances émergentes. Sans les dernières actualités du marché, des communautés en ligne et plus généralement de politique nationale ou internationale, il est facile de manquer des phénomènes culturels ou langagiers. Imaginez comment la dissolution de l’Assemblée nationale, l’élection de Trump ou un nouveau record Olympique de Léon Marchand affecte l’ambiance des conversations qu’un humain comprend immédiatement. De son côté l’agent IA sera perdu.
Le search de ChatGPT n’est qu’une illusion : A grande échelle, aucune IA s’embête à aller chercher le contexte à chaque fois, et dans nos métiers, c’est véritablement incontournable. Aujourd’hui c’est principalement un problème lié aux coûts car faire des recherches consomme beaucoup de tokens.
Évolution du vocabulaire : Entre néologismes et mutations du langage, les LLM accusent un retard. Il est difficile de suivre le rythme lorsque de nouveaux mots apparaissent chaque mois, notamment dans les communautés jeunes et dynamiques. Faites le test en sélectionnant des expressions nouvelles et des mèmes, puis demandez à ChatGPT, Gemeni et Grok. Ils ont beaucoup de mal à vous expliquer « je pleure sur le poulet » ou auront des réticences à vous expliquer ce mème ci-dessous. Pourquoi ? Car soit l’IA ne reconnait pas les présidents sur l’image et perd donc le contexte nécessaire, soit elle reconnait Zelensky et s’autocensure pour ne pas parler de guerre en Ukraine.
Là où l’IA est efficaceen Social Listening : Nos expériences montrent que l’IA excelle dans l’analyse de documents structurés traditionnellement (articles, comptes rendus parlementaires, etc). Ces documents bien formatés ne nécessitent pas d’interprétation subtile, laissant le champ libre à des analyses fiables et rapides.
Idée reçue #2 : La data est là, prête et facile à analyser par une IA
En réalité : Bon courage pour être exhaustif et en confiance… car c’est la guerre entre les géants du web qui coupent tous les accès faciles à la data. Les outils bien installés sur le marché du Social Listening ont les meilleurs accès et couverture de data. Les accès aux data qualitative deviennent silotés grâce à des partenariats exclusifs entre médias et acteurs de l’IA.
Alors que les géants de l’IA tels OpenAI, Microsoft, Google, Meta, Nvidia, Anthropic, XAi etc assument publiquement se concurrencer sur des sujets comme l’accès à l’énergie nucléaire ou aux GPU. Cet affrontement stratégique sur la data fraîche et pertinente culturellement est très très discret.
Couverture limitée des données : TikTok, Instagram, Reddit ou les nouveaux canaux où les jeunes publics s’expriment ont de la data super fraiche et intéressant. Mais ils encadrent l’accès à la data jalousement. Impossible de centraliser plusieurs canaux de grande influence sur vos consos, privant l’analyse automatisée des nuances nécessaires.
Formats visuels : C’est très dur d’avoir un bon oeil pour les posts visuels et ceux en texte. Les modèles multimodaux sont encore en développement, mais il leur manque la capacité de capter des informations visuelles à grande échelle et de les intégrer au texte. Or, les mèmes, les vidéos courtes et les images façonnent la conversation sur les réseaux sociaux. Donc un agent IA se prive de tout ça. Limites de mémoire : Les volumes de données et les briefs détaillés épuisent rapidement les capacités de mémoire des LLM (aussi appelé “context window”). Les RAG (Retrieval-augmented Generation), rendant difficile une analyse exhaustive des verbatims, surtout quand il faut repérer spontanément des signaux faibles et différents.
Là où l’IA performe pour du Social Listening : De nos expériences, si vous avez déjà toute la data et avez besoin d’une vision rapide et très large, c’est très performant. Ca sert à l’inspiration et la réflexion sur des pistes à explorer plutôt que la prise de décision business.
Idée reçue #3 : L’IA va faciliter l’adoption des néophytes
En réalité : Un chatbot IA peut sembler utile, mais pour un néophyte, l’outil présente un « fossé de compétence ».
Avoir envie d’y retourner : L’expérience nous montre que c’est une question de culture au sein de l’organisation. Si l’employé n’a pas pris les réflexes de consulter, même manuellement, les conversations en ligne sur sa marque, son produit, son domaine. Il n’y aura pas d’effet miracle en parlant à un chatbot.
Savoir repérer un lièvre : Les utilisateurs inexpérimentés dans la lecture de données sociales sont souvent incapables de vérifier la qualité des insights générés automatiquement. Il y a 18 mois, les premières IA pouvaient sortir des énormités (parfois même des insultes !) mais maintenant les erreurs sont plus subtiles mais toutes aussi graves.
À l’inverse, des analystes humains savent ajuster et interpréter les résultats. L’IA dans le social listening peut augmenter le volume d’insights, mais il ne faut pas confondre quantité et qualité.
Conclusion : L’IA, un accélérateur de volume, mais pas de vision
Depuis une décennie, notre mission est de transformer des données en insights actionnables pour nos clients. L’IA a indéniablement fait évoluer le paysage, et chez nous, nous l’utilisons déjà pour gagner du temps sur les tâches à faible valeur ajoutée. Mais attention : confier entièrement ses analyses à une IA, c’est risquer de manquer de finesse et de pertinence.
Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est que l’IA, aussi puissante soit-elle, n’a ni l’expérience métier, ni le recul nécessaire pour saisir les nuances culturelles ou les signaux faibles qui émergent sur des réseaux sociaux en constante mutation. Notre rôle est justement d’apporter ce regard critique et de mettre en perspective ces outils. La commodité des insights de masse ne remplacera pas la profondeur d’analyse qui repose sur une compréhension fine des enjeux clients.
L’IA, en somme, est un accélérateur de volume, mais elle n’est pas encore prête à livrer seule des insights réellement exploitables pour les marques les plus exigeantes. Chez nous, elle s’intègre comme un levier parmi d’autres, au service de l’intelligence stratégique, sans jamais la supplanter. Demain l’analyste ne sera pas face à une seule IA mais deviendra le manager de plusieurs agents IA. Avec chacun leurs forces, faiblesses et vocabulaire plus ou moins à la page.
Régulièrement les bad buzz et autres crises de communication liés à des campagnes publicitaires surprennent par leur évitabilité. Des professionnels du marketing aux journalistes en passant par les activistes, plusieurs se demandent « comment ont-ils pu valider ce visuel ? ce slogan ? cette pub ? cette campagne ? » Au-delà des facteurs externes que nous commençons à cerner, une raison revient souvent: une mauvaise validation de la campagne par la marque. La CIA emploie un modèle de pensée et d’action qui pourrait servir aux communicants.
Quelles technologies émergentes vont affecter le futur du marketing digital ?
Pour l’année 2015, Gartner publie son rapport sur les technologies émergentes et présente sa fameuse « Hype Cycle ».
Cette courbe Gartner permet de visualiser en un clin d’œil la maturité des technologies et leurs réponses aux attentes des entreprises. La courbe se divise en 5 étapes.
Mercredi 13 mai, Nicolas Sarkozy lance une campagne Twitter avec l’objectif de dynamiser sa présence sur les médias sociaux. La campagne s’inspire du format classique question/réponse déjà employé par les stars du web (exemple de Norman ou EnjoyPhoenix). Cette opération promettait un dialogue direct entre l’ancien président de la république et les citoyens français. Sur quatre jours, il y a eu 114 563 tweets contenant le hashtag #NSDirect.
Alors que beaucoup d’articles sont parus au sujet des tweets de trolls à l’encontre de Nicolas Sarkozy et l’approche de son équipe digitale, il était intéressant de se pencher sur l’ensemble des questions destinées à #NSDirect. En effet une grande part des tweets mis en avant par les médias ou les partis politiques n’étaient pas un reflet de cette opération de communication. Nous avons notamment observé que parmi les trolls et les militants UMP, des français sont montés au créneau pour participer à l’opération #NSDirect et poser leurs questions.
L’étude des tweets #NSDIRECT permet de les classer dans plusieurs catégories:
Dans cette catégorie ce sont majoritairement des tweets recherchant une réaction de la part des internautes plutôt qu’une réponse sérieuse. Nicolas Sarkozy a tout de même répondu à des questions (légères et non-menaçantes) de cette catégorie, une sur l’arrivée de Pogba au PSG et une sur la télévision de son fils.
.@Sarko_Junior Je suis prêt à échanger une plus grande TV contre la suppression de ton addiction à ton ordi. — Nicolas Sarkozy (@NicolasSarkozy) May 15, 2015
Militants UMP : la recherche du contre-feu
Les militants ont publié deux types de tweets, ceux cherchant à contrer le bruit des trolls et ceux félicitant le président de l’UMP pour son opération.
40000 questions sur #NSDIRECT Malgré les trolls, un exercice réussi a refaire BRAVO monsieur SARKOZY
Politique : Des questions sur le programme qu’espéraient les équipes de Nicolas Sarkozy ?
Ces tweets interrogent Sarkozy sur son opinion sur la gouvernance actuelle, sur son programme et sa candidature. Les questions se repartissent sur trois categories : securité/immigration, economie/chomage et politique etrangere.
Votre plan pour réduire le chômage & améliorer l’emploi chez les jeunes en France ainsi que leur pouvoir d’achat @NicolasSarkozy ? #NSDIRECT — Akram (@akrvm) May 15, 2015
13% de tweets est une part de voix faible et ne serait pas satisfaisante dans le cadre d’une campagne de marque. C’est tout de même 130 000 questions. Preuve que Twitter peut servir de terrain de communication digitale aux politiciens.
Affaires : Une frustration restée sans réponse.
24% des tweets font références aux affaires en cours (Bettencourt, Khadafi, Bygmalion…) et sont distincts des trolls car ils ne posent pas les questions avec un effet comique ou provocateur. Cette donnée est au minimum un signal pour les prochaines confrontations digitales de Nicolas Sarkozy. Beaucoup d’internautes vont continuer à insister sur ces sujets.
#NSDIRECT Vous avez rencontré 7 fois le juge Courroye pendant l’instruction de l’Affaire Bettencourt, c’était par hasard? — Julien Norpois (@JNorpois) May 14, 2015
Objectif : Atteindre le niveau de la campagne digital d’Obama.
Enfin, il y a un parallèle à établir avec le AMA Reddit de Barack Obama. Cette interview participative sur Reddit avait fait le tour du monde en 2012. D’une part, elle a joué un rôle clé dans la campagne de mobilisation des électeurs démocrates. D’autre part, elle a contribué à l’image d’un président connecté et prêt à investir des territoires de communication nouveaux et risqués. Ce modèle inspire probablement les équipes de campagnes des différents candidats aux présidentielles de 2017.
Target a un nouveau CEO, Brian Cornell. Cet ancien de PepsiCo est en poste depuis août 2014. Il a accepté cette mission avec l’objectif de relancer la troisième enseigne de grande distribution des Etats-Unis et reconstruire la réputation du groupe. Un portrait sur Fortune témoigne de ses mesures phares avec par exemple, la mise en exergue d’une Social War Room et une utilisation quotidienne dans le social media monitoring. Cette mesure symbolise le changement que Brian Cornell apporte à Target.
Reconstruire la réputation de Target
Fin 2013, Target a été victime d’un immense piratage où 40 millions de carte bleues ont été dérobées. Brian Krebs, un journaliste expert en sécurité informatique, avait dévoilé l’existence de cette attaque informatique. L’annonce avait ensuite viralisé sur les médias sociaux. Target avait maladroitement joué la défensive en minimisant les conséquences et sous-estimant le besoin d’information des clients/victimes qui se plaignaient en ligne. Cela a coûté 148 millions de dollars en réparation, une chute de 6% du prix de l’action au moment de l’annonce et une baisse de fréquentation des magasins en 2014.
Pour ne plus se faire surprendre, Brian Cornell a continué de développer la Social War Room (aussi appelée Social Media Command Center) au siège de Target et lui a donné un rôle central. Il s’y rend tous les matins et demande un rapport deux fois par jour.
Avec cette mise en valeur de l’écoute des réseaux sociaux, Target rempli deux objectifs : premièrement, les crises venant du digital ne prendront plus Target de court. Deuxièmement, la chaîne envoie un signal fort sur sa volonté d’approfondir sa relation et la compréhension des attentes clients. Ces efforts servent le CEO et sa reconstruction de la réputation de Target.
Une tendance chez les grandes marques
Les social war rooms au sein des entreprises sont encore des outils de communication efficaces qui impressionnent les médias. Dans les entreprises notables, Gatorade (PepsiCo) avait dégainé en premier en 2010.
En 2012, Nestlé élève le niveau en communiquant sur une « Digital Acceleration Team » basée au siège. De plus, la marque formerait les employés au digital depuis une salle de contrôle similaire.
Ne négligez pas l’ingrédient clé : l’humain
Finalement, ces salles de contrôle sont de bons moyens de communiquer en interne et en externe sur la volonté d’écouter et digitaliser l’entreprise. Le risque est ici de voir ces centres de commande ne devenir que des objets de communication. Combien de salle de contrôle seront progressivement abandonnées une fois l’effet d’annonce passé ? L’ingrédient clé du succès d’une social war room se trouve dans les personnes à sa tête : compétence et qualité du travail des analystes, veilleurs et community managers derrière ces écrans. Leur rôle sera d’assurer la veille en continu et diffuser en interne tous les insights pertinents aux dirigeants, aux équipes marketing, communication, RH etc. Disposer des meilleurs technologies est certes utile, mais encore faut il savoir les utiliser à bon escient et efficacement.