
Aqababe vs Dupont de Ligonnès : l’influence peut-elle faire justice ?
Et si un influenceur pouvait réveiller une affaire classée ? En avril 2025, Aqababe, figure bien connue du gossip 2.0, a provoqué un emballement en ligne en relançant l’enquête sur Xavier Dupont de Ligonnès. Derrière l’effet d’annonce, une mobilisation virale spectaculaire qui en dit long sur notre rapport à l’information, à la justice et au storytelling.
Une affaire jamais vraiment éteinte
Xavier Dupont de Ligonnès, soupçonné d’avoir tué sa famille en 2011 avant de disparaître sans laisser de trace, n’a jamais cessé de hanter l’imaginaire collectif. En avril 2025, c’est une figure inattendue qui redonne vie à ce cold case : Aqababe.
À travers d’éléments partagés dans un canal Instagram, il affirme avoir des “pistes sérieuses” sur l’homme le plus recherché de France. Avec des éléments plus ou moins concrets, mais avec une narration millimétrée, il parvient à capter l’attention d’un public bien plus large que celui des seuls true crime addicts.
Une mobilisation numérique éclair
Le graphique ci-dessus fait figurer le volume de mentions à propos de l’affaire sur les réseaux sociaux. Il illustre parfaitement la fulgurance du phénomène : 61 000 résultats générés en quelques jours entre le 27 et le 28 avril. Une envolée massive de mentions, posts, articles et vidéos sur le sujet.
Cette courbe témoigne d’une dynamique typique d’une actualité virale : montée virale, pic émotionnel, puis une longue traine dans les discussions. Mais ici, l’objet du débat n’est pas anodin : il touche à la justice, à la mémoire collective, et à la frontière floue entre journalisme et divertissement.
Les implications : entre influence, justice et storytelling
- Le pouvoir des influenceurs : cette affaire confirme que des personnalités numériques peuvent aujourd’hui orienter l’agenda médiatique, même sur des sujets aussi sensibles qu’une enquête criminelle.
- La porosité entre faits et fiction : la mobilisation autour de Dupont de Ligonnès oscille entre enquête citoyenne, voyeurisme et thriller collectif. La vérité devient un produit narratif.
- Les risques de l’emballement collectif : si la visibilité peut relancer des dossiers, elle peut aussi nuire à l’intégrité des enquêtes en cours, générer de fausses pistes et mettre en danger des innocents.
Ce phénomène n’est pas nouveau
L’irruption d’internautes dans le champ judiciaire n’est pas une nouveauté. En 2019, le documentaire Don’t F**k with Cats a révélé comment une poignée de cyberdétectives amateurs ont traqué pendant des mois un internaute potentiellement dangereux appelé Luka Magnotta, bien avant que les autorités ne le relient à un meurtre sordide au Canada. En retraçant ses vidéos et ses traces numériques, ces internautes ont contribué de manière décisive à sa traque.
Autre exemple frappant : le mouvement #FreeBritney. Ce hashtag, créé par deux podcasteuses qui décryptaient la timeline Instagram de Britney Spears, a fini par mobiliser des millions de fans déterminés à dénoncer les abus de tutelle que subissait Britney Spears. Cette pression populaire a été cruciale pour rouvrir le dossier, jusqu’à l’issue judiciaire favorable que l’on connaît en 2021.
Conclusion : un cas d’école pour l’ère de l’info-spectacle
Xavier Dupont de Ligonnès n’a pas refait surface, mais Aqababe affirme l’avoir localisé quelque part en Asie. Il a même déclaré être prêt à s’y rendre en personne si l’homme n’est pas retrouvé d’ici peu. En attendant que l’enquête avance, son initiative s’est transformée en format participatif. Le canal Instagram initialement dédié à la traque de Xavier Dupont de Ligonnès est désormais rebaptisé et recentré sur la résolution d’autres affaires non élucidées.
Le principe ? Les abonnés votent pour choisir la prochaine enquête à médiatiser. Parmi les cas évoqués : le petit Grégory, l’affaire Estelle Mouzin, ou encore le mystère du vol MH370. Une gamification de la justice et de l’investigation, symptomatique de notre époque, où l’influence devient levier d’action collective, pour le meilleur… ou pour le buzz.