Les réseaux sociaux sont en constante évolution. Ces mouvements entraînent de nombreux changements qu’ils soient en matière de contenu, de technologie ou de comportement des utilisateurs. Quel est l’impact pour les métiers du social listening et notre capacité à trouver des insights grâce à des données publiques qui semblent se faire plus rares ?
Des données de moins en moins accessibles
Ces dernières années, les plateformes sociales ont de plus en plus limité la capacité des outils de listening à capter les données des utilisateurs. Qu’il s’agisse des informations démographiques ou de leurs conversations publiques*, aujourd’hui, des réseaux comme TikTok ou Instagram restreignent l’accès à la donnée, ne permettant la connexion qu’à un nombre limité de hashtags et de pages. La plateforme LinkedIn ne propose quant à elle toujours pas d’API.
Au-delà des choix stratégiques derrière ces limitations, l’évolution des plateformes et de la nature des données a changé. Le développement des vidéos, du contenu éphémère, etc., présente des défis technologiques qui peuvent mettre du temps à être intégrés par les outils. La voix vers texte, la reconnaissance d’image pour ne citer qu’eux sont encore peu aboutis ou en cours de développement.
En outre, l’essor des plateformes privées, comme Whatsapp ou le détournement de plateformes de jeux privées comme lieu de discussions telles que Roblox ou Fortnite impacte aussi notre capacité à pouvoir suivre les nouveaux lieux d’échanges des internautes.
La combinaison de ces facteurs entame aussi la représentativité de la donnée.
X, le baromètre du web est-il en voie d’implosion ?
Le dernier « Eldorado des données » était Twitter, devenu X, qui depuis le rachat par Elon Musk en 2022 commence lui aussi à présenter des obstacles à notre métier.
Elon Musk avait déclaré lors du rachat « l’oiseau est libre ». Il assurait ne pas vouloir faire du réseau une « plateforme infernale » et vouloir permettre aux internautes de s’exprimer librement. Enfin, il ajoutait ne pas vouloir faire de l’argent, mais vouloir « aider l’humanité ».
Si la plateforme, avant le rachat, semblait déjà avoir une épée de Damoclès sur la tête, elle n’est pas en meilleure posture aujourd’hui.
Les récentes annonces : le rebranding de Twitter en X, le lancement du test de souscription à $1/an et la rumeur (certes démentie) d’un potentiel bannissement en Europe, ont renforcé le mécontentement des internautes. Ces derniers se retrouvent de moins en moins dans ce qui faisait l’essence du réseau et commencent à sérieusement envisager et réfléchir à des alternatives.
Ce changement de comportement vis à vis d’une plateforme qui est précieuse dans la prise pouls et la compréhension des conversations en ligne, soulève un grand nombre de questions pour notre métier.
Tour d’horizon des récentes annonces X
Revenons sur les derniers rebondissements à date et regardons l’impact, tout d’abord sur les comportements en ligne et par ricochet celui sur nos métiers.
Premièrement, le changement de nom a généré la deuxième plus longue période de baisse du nombre de DAU (Daily Active Users) aux États-Unis au cours des cinq dernières années. Au cours des 40 jours suivant l’annonce, Apptopia estime que l’application a perdu environ 238 000 utilisateurs actifs quotidiens aux États-Unis. De plus, les utilisateurs ont commencé à laisser de plus en plus d’avis négatifs sur les app stores.
Suit l’annonce de l’abonnement à $1 symbolique par an pour débloquer les fonctionnalités majeures aux nouveaux utilisateurs non vérifiés. Pour rappel, les comptes vérifiés sont désormais payants, l’offre Twitter blue coûte entre 8 et 11€ par mois. Elon Musk a présenté la « $1 Subscription » comme un moyen de limiter le spam sur la plateforme.
Un premier test est prévu en Nouvelle-Zélande et aux Philippines. Les internautes ont très mal accueilli la nouvelle, voyant dans ce changement la volonté d’Elon Musk de vouloir s’enrichir et récupérer les informations bancaires des utilisateurs.
Nombreux sont les utilisateurs ayant déclaré qu’ils quitteraient la plateforme si cette restriction était amenée à être déployée dans leur pays. Une réaction intéressante quand on sait qu’à ce stade l’abonnement ne concernerait que les futures inscriptions et non les utilisateurs déjà présents sur la plateforme.
Tweet : “For all my friends and followers. Once twitter aka X starts charging to be here, you will find me on Post News. My name there is in my bio, so if you want to keep in touch please follow me. Post News has a lot more features than X and does not allow the disinformation.”
Peu de temps après, une nouvelle annonce est lancée, indiquant qu’Elon Musk envisagerait d’interdire l’accès à X en Europe. Les raisons ? Les nouvelles régulations européennes en lien avec le Digital Services Act exigeraient la mise en place d’un système de modération et de gestion des fake news.
Pourquoi en serait-il réellement capable ? Elon Musk a renvoyé sa “Trust and Safety team” responsable de la régulation et du fact checking. La plateforme n’est actuellement pas en mesure d’assurer le respect de la loi européenne, notamment en ce qui concerne le nouveau déroulement du conflit israélo-palestinien. Ainsi, X pourrait faire l’objet d’une amende majeure.
Néanmoins, le CEO de X a réfuté l’information en bloc. Ce qui n’a pas suffi à arrêter la vague de frustration des internautes. Ils sont nombreux à espérer que la plateforme ferme pour enfin s’obliger à aller ailleurs.
Ce qui frappe ici c’est cette réelle volonté de partir, mais de néanmoins rester, faute de mieux. Ceci prouve l’existence d’opportunités pour qui aurait les moyens de se lancer face à X.
Tweet : “This isn’t gonna happen but please, go for it, Elmo. Finally we can all move on to better shores. You’ve gotta be nuts to open this website via VPN.”
Sortir de X, mais pour aller où ? Thread (pour les Américains), Mastodon, Bluesky ou encore Post ? Aujourd’hui, aucune de ces plateformes n’a d’API exploitée ou exploitable, et rien ne garantit qu’elles décident de fonctionner sur un système de fire hose comme le faisait X.
Que ce soit des plateformes qui restreignent l’accès à leur API, les changements technologiques, l’évolution des typologies de contenus et des comportements et habitudes des internautes, le constat est que les conversations en ligne sont de plus en plus difficiles à capter.
Hors sans données qu’advient-il de notre capacité à récupérer et à traiter un large volume de données pour en tirer des enseignements valables, représentatifs et actionnables ? Qu’advient-il de notre métier et des méthodologies construites ?
Le social listening, un rôle toujours aussi majeur pour les entreprises, sinon plus.
Afin de nous adapter à ce panorama de la donnée qui change, Digital Insighters travaille sans cesse à rester toujours pertinents dans sa recherche d’insights consommateurs et dans l’élaboration de nouvelles méthodologies:
- Nous redéfinissons nos méthodologies en termes d’approche, de KPI exploités et de grille de lecture*.
- Nous réévaluons le temps à passer sur certains projets qui vont demander de parcourir une partie des données manuellement.
- Nous reconsidérons l’importance du quantitatif et des données en valeur, et s’appuyer davantage sur les répartitions et les évolutions.
- Nous repensons le besoin d’exhaustivité et travaillons à des stratégies basées sur des écoutes ciblées.
- Nous adoptons davantage les outils d’audience insights et de search insights, en explorant les comportements et les affinités des communautés, au-delà de leurs conversations.
- Dans le cas d’une gestion de crise, nous vérifions les réseaux limités de façon manuelle.
- Nous intégrons les données des IA dans nos processus d’analyse pour continuer à pouvoir gérer des volumes importants de données.
L’écosystème mouvant des plateformes sociales nous montre que la capacité d’analyse et de mise en perspective de l’information est cruciale. Il n’est pas possible de se fier purement aux chiffres. La mise en perspective et la capacité de prise de hauteur sur l’inter-opérabilité des outils sont essentielles à la production d’insights pertinents et représentatifs.
Conversations publiques*: Pour rappel, les conversations captées par les outils sont uniquement les données rendues publiques (comptes non privés) accessibles légalement et dans le respect de la RGPD.
Grille de lecture* : façon d’interpréter la donnée en fonction de la réalité du volume accessible VS le volume réel. Repenser l’utilité de l’échantillonnage, du qualitatif pur.
Rétroliens/Pings