Les utilisations ratées de mèmes par les marques en 2024

Les utilisations ratées de mèmes par les marques en 2024

La vie d’un mème commence souvent de manière spontanée et informelle. Ils naissent de l’imagination des internautes et sont liés à des moments de culture populaire sur Internet. Toutefois, lorsque les marques utilisent ces mèmes, ils subissent parfois une transformation qui leur fait perdre leur esprit initial. Ce passage de l’authenticité à une exploitation commerciale peut vite tourner au ridicule, donnant lieu à des mèmes dénaturés ou surutilisés jusqu’à en devenir insignifiants. Dans cet article nous explorons 3 exemples d’utilisations ratées de mèmes par les marques en 2024.

Un rapport différent à l’utilisation des mèmes par les entreprises en fonction des générations.

Avant tout, il est important de rappeler que les différences générationnelles influencent la perception de l’utilisation des mèmes par les entreprises.

L’étude de Morning Consult Pro rapporte que les Millennials se montrent généralement plus favorables à l’utilisation des mèmes par les marques, avec 44 % d’avis positifs contre seulement 22 % de négatifs. Tandis que la Génération Z affiche une opinion plus partagée sur le sujet. 42 % approuvent cet usage, mais près d’un tiers des répondants disent ne pas être à l’aise avec l’idée que des marques récupèrent des tendances.

Pourquoi ? Principalement parce qu’ils jugent ces démarches souvent inauthentiques ou mal exécutées, révélant une méconnaissance des codes propres aux communautés en ligne.

Utilisation de mème ratée n°1 : Warner Bros

En août 2024, le compte Warner Bros publie une image issue du film Dune 2, accompagné de l’intégration d’un mème populaire, le Stop Fighting Dog. Bien que ce mème ait connu un pic de popularité en juin 2024, son engouement s’était déjà atténué au moment de cette publication.

La réaction des internautes a été unanime. En effet, une avalanche de commentaires moqueurs visant Warner Bros, reprenant généralement ce mème pour fustiger la marque.

De nombreux internautes ont aussi critiqué ce choix de mème, soulignant qu’un personnage emblématique de leurs propres licences d’animation adopte une pose similaire.
Utiliser cette référence interne aurait semblé plus naturel et cohérent.

You OWN Smiling Friends. You can use the ACTUAL DNA egg gremlin. How did you botch this so badly when it was so EASY?

YOU. OWN. SMILING. FRIENDS!!!!!

im 99% sure they dont even know that this meme comes from a show they literally own

Utilisation de mème ratée n°2 : Spotify

En octobre 2024, le mème  « Position of the Day » apparait. Popularisé par la page « SexPositions.Club », il partage des positions sexuelles quotidiennes à essayer avec un partenaire. Ce format, largement détourné avec des variantes absurdes ou humoristiques, a été repris par Spotify.

Cependant, la réaction des internautes a été partagée. Si certains ont trouvé la reprise amusante, une partie plus vocale a critiqué la marque pour cet usage qui semble sortir de nulle part.
Ils estiment que la marque se réapproprie une tendance, en forçant le lien entre le mème et l’identité de la plateforme.

joke ruined

thats it you guys, a brand has come in. its game over

threw up

Utilisation de mème ratée n°3 : Disney+ France

L’exécution la plus maladroite de l’année pourrait être attribuée au compte Disney+ France dans sa tentative de surfer sur le mème I, Robot. Ce dernier exprime un visage sans aucune émotion, sans énergie, que l’on retrouve abondamment dans des édits sur X et TikTok.

Cependant, l’exécution est désastreuse. Disney, propriétaire du film I, Robot, a tenté de s’approprier maladroitement ce mème dans une démarche promotionnelle.  Ce qui a surtout choqué, c’est l’ajout d’une mention revendiquant la propriété de l’image, créant ainsi une rupture totale avec le ton informel et décalé du mème original. Au lieu de susciter l’amusement ou l’adhésion, cette tentative a renforcé la perception d’une entreprise distante et déconnectée des attentes des utilisateurs en ligne.

Au final, la publication de Disney a attiré l’attention des influenceurs et suscité de nombreuses réactions en ligne. Le post de Disney lui a été vue près de 7 millions de vues, mais n’a récolté que 755 likes…

En conclusion, que retenir de ces exemples d’utilisations de mème ratées de la part des marques ?

Les erreurs d’intégration de mèmes peuvent sérieusement affecter la perception des internautes. Bien qu’une grande partie d’entre eux attendent des marques qu’elles réagissent aux tendances, il est nécessaire d’agir avec discernement. Publier un mème pour sembler « à la page » ne suffit pas. Il faut comprendre le mème et qu’il intègre naturellement dans la stratégie de la marque. En outre, imiter les comportements des internautes sans comprendre les mèmes, entraînera un rejet et désintérêt, les poussant ainsi à se tourner vers de nouveaux mèmes.

Le MermaidCore porteur des sujets sociétaux ?

Le MermaidCore porteur des sujets sociétaux ?

Le mythe de la sirène semble avoir cette capacité à encapsuler les nouveaux mouvements sociétaux forts. La sirène représente tantôt une forme d’innocence et de bienveillance, tantôt, elle incarne l’archétype de l’ennemi, de la tentation. Mais elle est également un rêve de symbiose et de réconciliation entre deux mondes. Le Mermaidcore existe depuis longtemps, nous le verrons, mais la tendance navigue en eau profonde et revient de façon cyclique. Le live action de Disney a été le déclencheur de son retour ces derniers mois, révélant plusieurs facettes. Dans un premier temps, nous reviendrons sur l’origine de la Sirène et l’évolution de sa symbolique dans le temps. Puis, nous nous pencherons sur le décryptage du cru Mermaidcore 2023, pour comprendre en quoi il incarne plusieurs sujets sociétaux à la fois. Enfin, nous verrons pourquoi il paraît en réalité assez logique que la sirène revienne dans un monde actuellement en crise.

Origine des sirènes, un symbole mouvant entre démon et ange.

Dans cet article, nous faisons référence aux êtres mi-femme, mi-poisson qui viennent de la mythologie nordique et sont appelées Mermaid en anglais.

Les sirènes ont peuplé de nombreuses légendes et contes depuis des siècles dans le monde entier. Elles ont longtemps été perçues comme des créatures maléfiques (réputées sans âme), parfois monstrueuses. Les sorcières des mers, tentatrices, séductrices, faisant ainsi sombrer navires et marins. Avec le conte d’Andersen, elles incarnent l’archétype de l’amoureuse, en devenant des êtres romantiques, femme-enfant, naïves et touchantes, à la recherche du grand amour.

Aujourd’hui, l’archétype de la sirène appartient au monde de l’enfance. Sa représentation universelle contemporaine est celle donnée par Disney, jeune femme romantique dans un univers merveilleux. Car si Andersen est le premier à avoir introduit un imaginaire bienveillant autour de la sirène, la morale du conte est loin du « et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » raconté par le film d’animation.

Les sirènes sont présentes depuis longtemps dans l’univers du divertissement. La génération 80/90 se souviendra notamment de Splash, comédie romantique avec Daryl Hannah et Tom Hanks en 1984 proposant une version moderne de la petite sirène (sortie avant le Disney 1989).

Néanmoins, la culture populaire a toujours pris plaisir à jouer du mythe. On retrouve ainsi des interprétations variées dans des séries et des films fantastiques.

Généralement bienveillantes et colorées (Hook, Aquamarine, Bedtimestories), certaines représentations s’amusent à revenir à l’être aquatique, manipulateur, terrifiant, parfois dangereux (les séries Wednesday et Sirène sur Netflix ou dans Harry Potter).

D’autres s’emparent du fantastique et leur donnent des pouvoirs magiques (H2O Just Add Water, Charmed circa 2000) ou des versions futuristes comme les sirènes de Dark Angel qui sont des êtres génétiquement modifiés.

À ce stade, les interprétations varient plus ou moins, mais sont rarement porteuses de messages clairement affichés, bien que souvent le discours sous-jacent de la sirène soit la rencontre entre deux mondes. Récemment, des films ont utilisé des références plus éloignées, mais connexes aux sirènes, pour passer des messages plus engagés pour l’environnement ou l’inclusion : Aquaman, Avatar The Way Of Water, The Shape of Water de Guillermo Del Toro.

Dans un monde multi-crise, La sirène comme symbole multi-facette.

Le territoire de la sirène est en réalité déjà animé par certaines minorités. Son esthétisme fait écho à l’esthétisme Camp (voir ci-dessous), préempté par la communauté queer, qui partage un message d’inclusion. En parallèle, le mythe de la sirène fait écho à un besoin de réconfort en explorant un imaginaire innocent et enfantin, en faisant une sorte de valeur refuge dans un contexte incertain.

Mais il incarne de plus en plus un symbole fort des enjeux climatiques, les univers connexes aux sirènes portant déjà des revendications climatiques. À l’instar de ses imaginaires variés, la sirène commence à jouer un rôle d’ambassadrice aux multiples visages. 

Ainsi, en une représentation, une symbolique, on retrouve une question très actuelle de notre société : comment affronter ensemble une crise qui semble insurmontable et garder l’espoir qu’un monde meilleur est possible ?

Les sirènes, d’égéries Camp à valeur refuge.

Le live action de Disney met aujourd’hui en lumière un symbole d’inclusion et de représentation qui a, en réalité, été depuis longtemps récupérer par les minorités. Et le tout récent documentaire Netflix MerPeople le montre bien à travers sa mise en lumière du Mermaiding*.

Le documentaire Netflix montre que l’activité de Mermaiding a largement été préemptée par la communauté queer et emprunte des codes Camp & Drag, à l’image des « Maisons de Drag Queen ». Une « drag house » dans la culture drag désigne un groupe ou une famille de drag queens  qui travaillent ensemble et se soutiennent mutuellement. Elle est généralement dirigée par une « mère » qui est une figure respectée et expérimentée de la scène drag. On retrouve des « Maisons de sirènes » dirigées par des Mermaid queens, organisées en pods** (VS les houses). Les costumes, les noms de scène, la performance et la compétition sont aussi très présents. Ainsi le Mermaiding accueille des sirènes de tous horizons : sexualités, origines culturelles et sociales, corpulences, tout le monde peut faire partie du mouvement et exprimer son art à travers son costume et sa performance. C’est un « safespace » supplémentaire.

Le Camp est une esthétique de la communauté queer. Il est essentiellement basé sur l’ironie, l’humour et la théâtralité. Le mythe de la sirène rentre facilement dans ces différents piliers, notamment sous sa forme pailletée et performative. De plus, le retour de la tendance bling ne peut que favoriser la montée du Mermaidcore qui s’y adapte à la perfection. En effet, dans un contexte sociétal tendu, on sent des envies d’école buissonnière, abandonnant la sobriété pour le clinquant et l’extravagance. Les collections croisière 2023 traduisent bien la combinaison des deux tendances. Sans compter l’arrivée du très attendu film Barbie en juillet prochain qui va certainement réveiller le BarbieCore, or quoi de mieux qu’une fusion des deux univers ?

Par ailleurs, il est important de mentionner le Transgender Youth Network MermAids en Angleterre, un organisme soutenant les jeunes transexuels ou fluides qui ont récemment repris le symbole de la sirène pour représenter l’organisation. Ils y trouvent une belle allégorie à la capacité de se transformer, mais aussi l’absence d’organes sexuels clairs et définis.

La sirène, c’est aussi une envie d’évasion dans un autre monde, dans un ailleurs meilleur, plus doux et féerique, un monde où tout est possible.

La valeur refuge repose sur l’évasion et le réconfort qui est offert par l’univers lui-même. Il y a quelques années, le merchandising « mermaid cocooning » avait débarqué avec notamment les « tail covers », l’équivalent sirène des combinaisons de licornes.

La sirène, c’est aussi de la nostalgie, le réconfort du « c’était mieux avant », un retour aux années 80, désormais vues comme des décennies d’insouciance et de légèreté, une époque où l’on portait des barrettes papillon pailletées, des sequins et où les mannequins souriaient et dansaient sur les podiums.

Les sirènes, un symbole à venir des enjeux climatiques marins ?

 

Les univers aquatiques au sein du divertissement  (tels que Aquaman ou le récent Avatar, The Way Of Water) ont tous été porteurs de messages environnementaux sur les années récentes. Ces derniers témoignent d’une fascination et d’un intérêt grandissants pour le spectacle féérique que représentent l’océan et l’envie de le préserver.

 

La participation de Netflix dans la mise en avant d’une communauté ou d’un centre d’intérêt joue un rôle important (à l’image de la série « Drive to Survive pour la F1). Netflix participe à la sensibilisation de ces enjeux à travers de plus en plus de documentaires, comme : Mission Bleue, Seaspiracy ou encore Chasing Coral. 

La tendance MermaidCore… So what pour les marques ?

Bien que la résurgence du mythe de la sirène soit intéressant à intégrer dans une stratégie de contenu, elle abrite également des sujets de fonds (archétype de la jeune femme amoureuse, de la réunion de 2 mondes, symbole d’inclusivité et de causes environnementales…)

Dès lors, il semble nécessaire pour les marques d’aller au-delà de la simple exploitation de l’engouement pour l’environnement aquatique et les mythes associés.

En explorant ce centre d’intérêt dans les données social media, il est intéressant de noter deux points concernant le mermaiding :

  • Tout d’abord, il existe des similarités démographiques et d’intérêt entre le public du free diving et le public discutant des sirènes.

  • Deuxièmement, environ 6,5 % ou plus des personnes évoquant le free diving dans le monde manifestent un intérêt pour la cause climatique.

Pour aller plus loin…

 

… et réellement comprendre les enjeux derrière l’utilisation du mythe, l’Audience Insights et les études  « Cultural Insights » sont un bon moyen pour appréhender la culture du Mermaiding et transformer cette connaissance en des actions concrètes à mettre en œuvre, en évitant le piège des campagnes perçues comme opportunistes (on pense notamment à Levis) et en adressant l’opportunité de connecter avec vos audiences de manière concrète, peut-être parfois de manière plus discrète, mais qui construiront une réputation solide pour la marque (on pense notamment au tapis de prière adidas).

 

*Mermaiding : littéralement faire la sirène. Art performatif réalisé sous l’eau en costume de sirène qui peut être réalisé en amateur ou de façon professionnelle.

**Pod : terme anglais pour banc on parle notamment de pod en anglais pour parler des bancs de mamiphères aquatiques comme le dauphin ou encore les orques.

L’importance des signaux faibles dans vos stratégies de Social Listening. Illustration avec la dernière campagne Calvin Klein.

L’importance des signaux faibles dans vos stratégies de Social Listening. Illustration avec la dernière campagne Calvin Klein.

Soutenir les minorités au-delà de leur représentation, la dernière campagne Calvin Klein, pour la fête des Mères, voit les premiers signaux faibles autour de demandes d’implication plus concrètes pour la communauté LGBT +.

Le 12 mai  dernier, Calvin Klein  publie  sur  Instagram  sa  nouvelle  campagne avec  pour  objectif  de  célébrer  les  mères et les familles, sous toutes leurs formes. Il s’agissait en l’occurrence d’un post avec plusieurs photos représentant différentes mères. La quatrième photo est un portrait de @roberto_bete, homme transgenre enceint et sa partenaire @erikafeeh.

Cette campagne inclusive, globalement saluée par les fans de la marque et la communauté LGBT+, a cependant généré des critiques au sein de communautés conservatrices. On a pu voir des appels au boycott, des discours pro-life et anti-mariage pour tous ainsi que des insultes transphobes notamment. Ces attaques ont largement concentré l’attention des médias avec plusieurs articles revenant sur la controverse suscitée, les enjeux de la campagne et la réaction de Calvin Klein aux commentaires virulents.

Calvin Klein trangenre homme enceint enceinte LGBT +

“We embrace this platform as an inclusive and respectful environment for individualism and self-expression. At Calvin Klein, we tolerate everything except intolerance— any intolerant commentary will be removed, and any accounts issuing hateful statements may be blocked. We look forward to continuing a positive and inclusive dialogue in partnership with our community.”

Calvin Klein Officiel

Si la marque a très vite réagi en défendant la liberté et l’inclusion, elle ne semble pas avoir adressé les critiques dénonçant un positionnement jugé contradictoire. Alors que depuis plusieurs années, elle travaille sur le sujet de l’inclusivité (beaucoup à travers ses campagnes) il semble qu’elle soit mise au défi de démontrer la candeur et la sincérité de son engagement.

Une levée de boucliers en petit nombre… mais amplifiée par les médias

Nombreux sont les articles à avoir partagé les appels au boycott et les remarques transphobes. En effet, la photo du couple a très vite suscité des réactions virulentes de la part de l’audience, mais aussi de certains médias ou personnalité influents.es, notamment aux États-Unis. Nous avons pu voir des réactions de Nick Adams, Steven Crowder, Breitbart ou Fox News. Ce dernier a d’ailleurs utilisé la campagne comme arguments sarcastiques lors de leurs revues politiques et plus particulièrement le sujet des pénuries de formules pour bébés.

Au global, un impact très positif pour Calvin Klein.

Un faible volume pour une forte visibilité

Le volume de mention autour de la campagne, attaques transphobes comprises, ne représente que 0.3% du volume total autour de la marque sur les 13 derniers mois et 1.5% du volume de la marque sur le mois de mai. En comparaison, sur l’année, la collaboration avec Black Pink a largement plus fait parler (près de 72% plus).

 

Néanmoins, la reprise par des médias mainstream influents en font un sujet viral qui a touché une large population, rendant le sujet très visible, relançant des débats et des réflexions de fond.

Calvin Klein Evolution Graph LGBT +

En effet, la majeure partie des articles relatant les faits se sont placés en soutien de la campagne, en saluant l’initiative. On note plus particulièrement l’interview de Dr. D Ojeda, (senior national organizer at the National Center for Transgender Equality) qui salue l’initiative de Calvin Klein, remerciant la marque de rendre visible la possibilité de créer une famille pour la communauté Trans et ainsi de soulever la question du système de santé.

« What Calvin Klein is doing is amazing, » they continue, explaining that a lot of trans people out there really do want to start a family but seldom feel empowered to do so — something they hope the ad can help change. « It’s going to have a lot of positive impact, especially for health care and when it comes to reproductive services. »
Dr. D Ojeda

La communauté LGBT+ visible et engagée

Nous observons également des réactions plus ambivalentes soulignant certains questionnements de la part du public indiquant que Calvin Klein semble avoir réussi à amener un sujet tabou sur la table en générant certes du débat, mais aussi en apportant de la visibilité et une plateforme d’expression pour la communauté qui lui en est reconnaissante.

En outre, la cible de Calvin Klein a elle majoritairement exprimé un fort enthousiasme autour de la campagne. Les données accessibles nous permettent de voir que la campagne a engagé plus fortement les personnes indiquant leur expression de genre comme non-binaires.

Calvin Klein repartition graph non binaire LGBT +

Aussi, les commentaires au post Instagram et les partages sur Twitter sont majoritairement positifs. On observe de nombreux émojis positifs exprimant la gratitude, les applaudissements, des cœurs, montrant que la communauté LGBT+ (ici plus particulièrement Trans) apprécie fortement l’initiative.

Calvin Klein nuage de mots clés LGBT +

La majeure partie de la communauté salue l’initiative, remerciant la marque d’offrir un plus large éventail de représentation, ce qui en fait une vraie réussite pour la marque à quelques semaines du Pride Month.

Tout ceci nous dit deux choses sur la réussite pour Calvin Klein

La première, que les attaques viennent majoritairement de communautés que la marque ne cible pas et ne souhaite pas cibler, au vu du positionnement de ses campagnes.

La seconde, que l’objectif d’engager et de fédérer la communauté LGBT + est atteint et a permis aussi de donner de la visibilité à des questions fondamentales pour la communauté dans les débats mainstreams.

Des signaux faibles à ne pas négliger.

Quand nous nous penchons dans le détail des commentaires, nous observons certains signaux faibles. Quelques commentaires, venant eux de la communauté LGBT+, à minima d’internautes LGBT+ friendly, pointent du doigt des contradictions entre les valeurs affichées de Calvin Klein et ses actions en tant que marque, sous-entendant que la marque fait du Pinkwashing.

Nous observons donc 3 catégories majeures de critiques

1. Le manque d’engagement poussé pour les droits LGBTQIA+

“Hello @calvinklein can you please provide your statement on why you manufacture your items in countries without LGBTQ rights? But you sell to countries with those rights, also right of free speech, yet you feel entitled to block those whom do not agree with these ideals. Never again. Throwing the ONE item of yours I own, in the TRASH where it belongs.”
Instagram comment

“Meanwhile your clothing and products are made in countries where people in the LGBTQ community would be punished or killed by the laws they uphold. This is Nothing more than virtue signaling and furthering an already horrific divide in our country.”
Instagram comment

2.  Le manque d’éthique relatif au droit du travail et à l’exploitation de la main-d’œuvre

“On further inspection, the company’s manufacturing is, in part, in countries where it’s illegal to be LGBT+ – like Sri Lanka, Tunisia and Bangladesh – instead of taking a stance with LGBT+ rights and halting production in those places.”

metro.co.uk Ugla Stefanía Kristjönudóttir Jónsdóttir

“What about the mothers making your clothes in sweatshops?”
Instagram Comment

“Remember when Calvin Klein was a luxury brand associated with quality. Now your slave made clothes are passed over in Ross dress for less! Definitely delivering the less!”
Instagram Comment

“We knew this brand was twisted when they were linked to Uyghur slave labor.”
Instagram Comment

“Y’all talk about tolerance while your clothes are made by slave labor. I’m uncomfy haha”
Instagram comment

3. Utilisation de la communauté pour son profit sans réellement s’investir pour la communauté de façon concrète et suivie.

“Does the lgbtq community enjoy being a marketing tool to attempt to make corporations richer, when ordinary folk just aren’t interested in this and will stop buying their products? I doubt they will be publishing this advert in the Middle East.”

Instagram comment

“Big companies don’t really care about lgbtq… It’s just marketing.”
Instagram comment

“Upon a quick search on Calvin Klein’s website, the first thing you have to choose is whether you are looking for clothing for ‘women’ or ‘men’, which doesn’t quite seem in tune with the diversity and inclusivity they claim to represent. […] they must also recognise that gendered clothing continues to enforce stereotypes”
metro.co.uk Ugla Stefanía Kristjönudóttir Jónsdóttir

À noter également que la marque s’est faite « épinglée » l’année dernière pour son hashtag #Prideinmycalvin, jugé comme une façon de faire de la pub de manière opportuniste. La marque a pris soin de ne pas utiliser de hashtag « floqué » cette année. Toutefois, début juin, pour célébrer le Pride Month, elle lance une campagne autour de la Famille choisie « This is Love » avec une collection de vêtements et sous-vêtements dédiés. En 2019, elle avait aussi été attaquée pour pinkwashing et mésappropriation de la culture LGBT+ pour sa campagne avec Bella Hadid et l’influenceuse virtuelle Lil Miquella.

calvin klein pride-campaign-2020 LGBT +

Il est évident qu’aujourd’hui le travail de représentation des minorités fait débat. Lorsque les campagnes sont saluées, nous observons une expression d’attentes plus profondes de la part des consommateurs.  Des minorités qui se battent depuis plusieurs décennies ne veulent plus avoir à se contenter de représentation qu’elles considèrent comme vide de sens si elles ne sont pas complétées par des actions concrètes et des valeurs affichées. La seule représentation est alors perçue comme une façade marketing.

Les minorités exigent aujourd’hui des marques qu’elles agissent contre les inégalités et discriminations. Elles attendent des marques de ne jamais participer à les renforcer « même indirectement ». Elles veulent voir une réelle déconstruction en profondeur allant de l’image de marque à la chaîne de production.

“So what exactly are they [Calvin Klein] doing beyond an ad campaign? Are their clothing lines reflective of gender diverse people and bodies? Do they have trans-inclusive policies for their staff? Are they supporting LGBT+ charities or trans-specific charities? Are they taking a stand internationally for LGBT+ rights and using their power to influence change?”
metro.co.uk Ugla Stefanía Kristjönudóttir Jónsdóttir

 

“While I always celebrate companies making ads and increasing the visibility of LGBT+ people, I often feel like brands need to do more. They have incredible power and influence, and they can use it to be allies to our community.”

metro.co.uk Ugla Stefanía Kristjönudóttir Jónsdóttir

La communauté afro-américaine, par exemple, interpelle déjà les marques (entre autres) dans ce sens avec les messages : “Put your money where your  mouth  is“  ou  encore  le  mouvement  “Black  dollars  :  buy  black“.

Black owned black dollars

“It’s more important than ever that companies make a stand for trans inclusion, and put their money where their mouth is. Otherwise it will be little but lip service, where they use our community to make themselves look better, without actually supporting the community in a meaningful way.”

metro.co.uk . Ugla Stefanía Kristjönudóttir Jónsdóttir

Aujourd’hui, Calvin Klein est majoritairement saluée pour son initiative. La marque est depuis plusieurs années attachée aux représentations inclusives. Mais nous voyons déjà arriver quelques commentaires pointant des actions allant au-delà de la représentation.

À mesure que notre société évolue, les communautés et les consommateurs de façon plus générale demanderont aux marques de s’engager clairement, ouvertement et concrètement et de travailler à la déconstruction du système fondateur des inégalités. Ces signaux faibles ne sont donc pas anodins et montrent bien que si la représentation est la première étape pour donner de la visibilité positive, pour les consommateurs, elle ne pourra pas être l’unique engagement des marques.

En conclusion, quel impact pour Calvin Klein dans cet exemple ?

Nous l’avons vu, de façon globale, la marque prend position depuis plusieurs années, valorisant des valeurs progressistes. Ses détracteurs, plutôt conservateurs, ne font pas partie de sa cible marketing ni de la majeure partie de ses consommateurs acquis.

De plus, la marque a été majoritairement saluée par les consommateurs à qui elle souhaitait s’adresser, à savoir la communauté LGBT +, et réussie également à sensibiliser et à apporter de la visibiliser à une communauté.

Néanmoins, ces signaux faibles sont des insights forts pour Calvin Klein et pour toute autre marque. Si nous prenons de la hauteur, c’est un discours qui tend à devenir une attente grandissante d’une partie des consommateurs. C’est donc un enseignement précieux pour les marques, des clés de lectures livrées par une partie des consommateurs tout en révélant également une fracture croissante des opinions. Si les marques savent s’en saisir, elles pourront aller plus loin dans l’élaboration de stratégies à la fois porteuse de sens et gagnantes, un équilibre en somme.